Anniversaires pour vieux danseurs
Cet anniversaire est précédé d'un duo créé par Rachid Ouramdane pour un danseur de prestige et une ancienne meneuse de revue. Une nostalgie fellinienne triste, Amarcord, je me souviens des jours anciens. Et je pleure. "Un Jour Nouveau" est une antiphrase pour les jours anciens. Le décor est là, le souvenir aussi, mais les clowns ne viendront plus. La magie est partie. "Où sont les clowns? Quand reviendront-il?" s'interroge-t-elle.
"C'est ma vie, il faut bien que je la reconnaisse
c'est ma vie et c'est moi cette chanson faussée
un beau soir l'avenir s'appelle le passé
c'est alors qu'on se tourne et qu'on voit sa jeunesse"
écrivait Louis Aragon, dans "Vise un peu cette folle", "Le nouveau Crève-cœur".
Tempus fugit
Angelin Preljocaj cite Groucho Marx: "Dans chaque vieux, il y a un jeune homme qui se demande ce qui a bien pu se passer".
Ce pourrait être le sens caché de cette création atypique avec de "vieux" danseurs, dont des anciens danseurs professionnels, des amateurs et des "non danseurs". Deux-cents candidats pour un casting en trois groupes, pour garder au final huit acteurs qui composent quatre couples.
A l'opposé de "Un jour Nouveau" c'est ce jeune homme et cette jeune femme cachée que convoque en chacun d'eux Angelin Preljocaj".
Il a récolté tous les lauriers qui se puissent convoiter, creusant obstinément son propre sillon d'excellence. Peu à peu, il est revenu à ses anciennes amours, néoclassiques voire classiques, poussant toujours plus loin la virtuosité avec des danseurs et des danseuses flamboyantes, de plus en plus jeunes. "Au début nous avions quasiment le même âge, puis ils ont eu celui de mes enfants, bientôt je pourrais être leur grand père" s'étonne-t-il. C'était hier pourtant.
Alors le pari de travailler avec des danseurs et des non danseurs âgés prend tout son sens: abandonner sa zone de confort, se confronter à des contraintes inédites qui lui interdisent ce dans quoi il excelle.
Privé de la technique, confronté à l'inédit de corps limités par l'usure de l'âge dans leur mouvement, il a dû puiser dans leur être d'autres émotions que celle de la technicité et de la virtuosité. Au plus près de la chair, là où elle vibre, là où il n'y a plus qu'elle.
Dance me to the end of love
D'une certaine façon, Angelin Preljocaj n'a pas fait du "Preljo". Ou plutôt, un qu'on ne rencontrait plus dans ses créations prestigieuses dignes de l'Opéra de Paris. Et le pari est pleinement réussi, cet anniversaire touche et émeut. Au moment de vérité, au salut, on lit l'angoisse sur les visages, la surprise, puis le bonheur, quand le public se lève comme un seul homme et applaudit debout.
Cette pièce atypique mérite de tourner le plus longtemps possible.
Photos et commentaires Jean Barak
Avec Mario Barzaghi, Sabina Cesaroni, Patricia Dedieu, Roberto Maria Macchi, Elli Medeiros, Thierry Parmentier, Marie-Thérèse Priou, Bruce Taylor et Avec Darryl E. Woods et Herma Vos pour "Un Jour Nouveau"
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