"N" d'Angelin Preljocaj au Pavillon Noir
- barakjean
- 1 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 juin
De bruit et de fureur, cette pièce hors normes inclassable créée en 2004 est remontée en 2025 avec les danseurs du "Jeune Ballet Preljocaj"

Jouissance
L'homme est le seul animal qui tue pour sa simple jouissance. Le paradoxe veut que certains de ceux qui exercent le pouvoir et en abusent paient -fort cher- des "maitresses femmes" pour se faire dominer, mépriser et maltraiter. C'est de la jouissance élevée au carré. Dans "1984", son chef-d’œuvre indépassable et pourtant dépassé par l'impensable réalité, Georges Orwell dévoile le secret de la torture, que vous ne découvrirez qu'à la fin de ce roman prophétique.

"L'humain c'est très inhumain" Romain Gary
A sa création le chorégraphe s'explique: « "N" est le nom donné au travail élaboré avec Ulf Langheinrich et Kurt Hentschläger. C’est un « titre masque », tant ce que nous évoquons est de l’ordre de l’innommable, de l’indicible. Souffrance, tourments, humiliation, torture, le corps comme principal vecteur à effacer, à annihiler. Si la nature de ce que nous évoquons peut sembler virtuelle et lointaine à une partie de la population mondiale, elle est, de fait, proche d’une réalité probante et acérée. Elle s’est répandue de l’origine des temps à nos jours sans discontinuer avec des pics de nuisance incandescents. Sa force n’a d’égale que notre incrédulité. »

Suivront mille ans de calme
..."les cieux et la terre d'à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies"...2 Pierre 3.8
Aujourd'hui, si on oublie les guerres de la décolonisation, les guerres de conquêtes et tous les exploits guerriers de l'axe du Bien américain contre l'axe du Mal communiste, voire démocratique quand ils recèlent des richesses convoitées, que les lendemains qui chantent chantent atrocement faux, notre monde relativement paisible par endroits depuis la fin de la seconde guerre mondiale est à feu et à sang.
A ce jour la pièce "N" pourrait se renommer "génocides" mais les nouvelles images vidéo projetées avec drones missiles et torches humaines seraient une incitation au suicide ou au passage à l'acte, à la violence contre les tortionnaires.

Créée en 2004, "N" d'Angelin Preljocaj est recréé pour le Jeune Ballet Preljocaj en 2025

De bruit et de fureur
Interdite aux enfant et aux épileptiques, la violence subliminale des images est distanciée par une quasi obscurité suivie d'un stroboscope aveuglant, redoublée par la bande son de Ulf Langheinrich à vous rendre sourd profond sans les bouchons d'oreille distribués à l'entrée. Cette pièce très dure physiquement et émotionnellement est pourtant loin de la réalité actuelle, faite au quotidien de famines en phase terminale, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. Plus que jamais nous subissons impuissants les images des meurtres de masse industrialisés comme jamais.

Créée en 2004, "N" d'Angelin Preljocaj est recréé pour le Jeune Ballet Preljocaj en 2025
Que faire?
En Colombie, Eduardo enfant sorti de la rue par le Cirque répondait "Seguir de vivir".
D'autres jettent symboliquement de la peinture rouge sang sur des lieux symboliques comme la fontaine des innocents, ce qui fait beaucoup plus scandale que cent mille meurtres. D'autres arment des bateaux pacifiques et des navires hôpitaux pour défier les assassins, leurs chances de survie sont minces.

Angelin Preljocaj fait ce qu'il sait faire, une chorégraphie terrible, un cri à qui veut l'entendre.
On pourrait discourir sur la danse et sa virtuosité, sur son écriture au cordeau, sur l'incroyable qualité des danseurs de ce Jeune Ballet Preljocaj, comme si l'important n'était pas le message et le geste.

"Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens"
Attribué a Arnaud Amaury au siège de Bézier.
En tout temps et en tous lieux le meurtre le pillage et le viol sont des armes de guerre.
Il y a en tout homme un monstre et potentiellement un juste, seuls ses actes au moment décisif permettent de distinguer l'un de l'autre, au moment du choix.
Il y a toujours un choix.
Un accusé du génocide au Rwanda expliquait: "Oui j'ai tué des hommes des femmes et des enfants, mais c'est Dieu qui guidait mon bras. Ceux que j'ai sauvé, c'est moi qui les ai sauvés."
Comment est-ce possible? Sigmund Freud a tenté d'y répondre en 1920 avec "Massenpsychologie und ich-analyse", "Psychologie des foules et analyse du moi". Réponse magistrale suivie de "Le moi et le ça".
Nous ne ferons pas mieux, parler de danse ici serait un peu indécent, avec "N" c'est la danse qui parle. Écoutons-la.

Interprété par Edouard Chaize, Riccardo Cialfi, Ethan Dufourg, Victoria Gebelin, Otis Gilchrist, Joana Guerra, Alexandre Herba, Emma Malee Skår, Elena Petrone, Susanna Primera, Mathieu Gimenes et Sarah Oullier
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