Après son triomphe à la biennale de Lyon, Dada Masilo a enflammé le Pavillon Noir.
C'était en l'an moins neuf avant Covid: retour sur une Afrique du Sud qui nous fait un cygne.
Afrique du Sud
Vu d'ici, l'Afrique du Sud c'est l'apartheid et les townships, Nelson Mandela et sa révolution africaine sans sang versé.
En Pays d'Aix, dans le domaine de la danse, c'est Germaine Acogny, ou les délires ravageurs de Robin Orlyn dont les pièces sont autant d'outrages au bon goût et à la « bien pensance ».
La rebelle blanche en pays noir a trouvé son positif dans cette jeune et belle danseuse noire chorégraphe, née à Johannesburg, Dada Masilo.
Trouble de l'identité
Les chaussons à pointes en moins, il y a du Mats Ek dans ce Lac. On se souvient encore de ses cygnes gracieux en tutu blanc, crânes rasés, dont une bonne moitié avait du poil aux pattes: de gros rats s'étaient glissés dans l'univers délicat des petits rats de l'opéra.
La comparaison s'arrête là: le lac selon Ek était une farce hilarante, celui de Dada Masilo est d'un humour jubilatoire qui ne cache pas un fond saturé de sens.
Garçons et filles sont en tutu blanc unisexe, tortillant frénétiquement du croupion. Tous les cygnes blancs sont noirs, le cygne noir corrupteur est un mâle mais le prince n'en est pas moins sensible à sa danse de séduction. Dans le final crépusculaire, torse nu en robe de maitre d'aïkido, garçons et filles comme la chorégraphe fragile sont d'une troublante beauté originelle. A l'heure où une ancienne ministre et les ligues de vertus déclarent « On commence par le mariage homo et après on autorise la polygamie », Dada Masilo prêche la tolérance: noir, blanc, homme, femme, homo ou hétéro, ce sont avant tout des êtres humains.
En surimpression de la danse un commentaire décapant raconte tout du long le point de vue de Candide: le ballet classique est une convention narrative qui raconte toujours la même histoire, dans une technique où tout est codé, figé, immuable.
Africanité et déconstruction
Le génie du mouvement Dada est dans le mélange du plus pur style classique, mais dans un rythme infernal, avec de la danse traditionnelle africaine et ses illustrations littérales, le tout rigoureusement chorégraphié. L’humour est une arme redoutable, le ballet classique n’en ressort pas indemne.
Non seulement ils s'amusent follement, comme le public, mais ils n'ont rien à envier aux meilleures troupes néo-classiques.
Outre les jeunes talents émergents, après Via Kathlehong, Germaine Acogny, Robin Orlyn, Alioune Diagne, Nelisiwe Xaba et Dada Masilo, le Pavillon Noir a des senteurs d'Afrique. La danse contemporaine est devenue un langage universel qui traverse et transcende -sans les trahir- même les cultures traditionnelles.
Du bonheur à l'état pur: le public lui a fait une ovation.
Photos et commentaires Jean Barak
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