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Photo du rédacteurbarakjean

Daniel Leveillé "Amour Acide et Noix"

Dernière mise à jour : 19 juin 2021




Générale


C'est une générale, les photographes sont là, une vingtaine.

Au "top départ" les trois danseurs et la danseuse se mettent en place. Elle lève les yeux et les voit, elle dit tout bas "Je ne danse pas" et s'en va. Devant la coulisse elle s'arrête, hésite, fait demi-tour, revient. Elle est prête, le spectacle peut commencer. Ils sont nus comme des nouveaux-nés, mais de forme indiscutablement humaine, gynoïde et androïdes à souhait, sculpturaux, beaux comme des Dieux antiques.



Nudité


La nudité est de plus en plus fréquente en danse contemporaine, elle s'affichait déjà depuis bien plus longtemps sur tous nos kiosques. Le sublime ici le dispute au vulgaire là, au dégradant, au sordide. Le fleuve qui les sépare est un arroyo asséché, il se franchit sans qu'on n'y prenne garde. Pourtant il existe.

Entre le voyeur primitif et le sublime, il y a "L'Origine du Monde" de Courbet, Achéron de nos fantasmes, Bérézina de nos libidos primitives.

Romain Gary remet l'échelle des valeurs dans le bon sens: "La pornographie, c'est Auschwitz".

"Le cul est innocent, c'est la tête qui est coupable".



Provocation


En privé, Daniel Léveillé explique que les photographes aiment son travail et qu'il aime les photographes. Qu'il n'a choisi la nudité ni par principe ni par provocation: ils ont tout essayé. Habillés, demi nus ou nus, de l'avis de tous la force brute des corps dénudés est ce qui correspondait le mieux à la pureté de la chorégraphie. D'ailleurs ils ont du faire deux versions vidéos pour la diffusion de la pièce: celle pour la scène et une "textile", pour les mormons des "réseaux sociaux" américains qui nous dominent. Ils proscrivent les aréoles -sauf pour l'allaitement- et les sexes visibles, sauf pour les accouchements. Le vulgaire ne leur pose aucun problème dès lors qu'il y a une ficelle au bon endroit ou un gribouillage là où il faut.

Créée en 2001 la pièce a provoqué un séisme, mais il y a peu, juste avant Covid, les intégristes catholiques tentaient encore d'interdire les représentations de la pièce d'Olivier Dubois pour cause de nudité intégrale. Même psycause, même effet.




Pas de fausse pudeur, la vérité est nue. Quand ils dansent, on se dit que la différence entre eux ne tient pas à grand chose. Ce n'est certes pas qu'un détail, il suffit de vouloir brancher une rallonge électrique pour savoir qu'il faut une prise femelle et une prise mâle pour que le courant passe. On objectera qu'il y a toujours la possibilité de dénuder les fils et de faire une épissure, mais c'est plus compliqué et il y a toujours un risque de court-circuit.

Ca ne se discute pas, c'est un choix, ou pas, mais ce n'est pas le débat.




Sur Quatre Saisons de Vivaldi, la modernité de cette danse aride et savante vous emporte irrésistiblement par la beauté de ces corps nus mouvants et émouvants, au point qu'on s'étonne d'aller encore vêtus par ces chaleurs estivales. Quatre saisons pour un quatuor dans un carré marqué au sol, quatre soli et quatre duo, ponctués de quatuors entre chaque saison, la pièce réduite à l'essentiel est une épure qui vise la perfection.

Elle dit la vulnérabilité du corps et de l'être, la solitude, la dureté des échanges et la douceur d'être deux, la fragilité de l'humain et son animalité.

Entre attirance et répulsion, portés improbables qui élèvent en apesanteur, elle dit la tendresse et l'amour dans tous ses paradoxes. Un pur traité de la fascination.

Le spectateur s'incline respectueusement devant tant de beauté et Il en redemande.


Jean Barak



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