C'était à peine avant-hier, Richard Martin se livrait à cœur ouvert à Yvan Barak, un jeune étudiant ingénieur en communication. Vingt ans après Richard n'est plus, le Théâtre Toursky est dans la tempête, l'avenir est incertain mais le passé est sûr: il ne passera pas.
"Je suis comme un cheval rétif"
Richard Martin
Pour commencer, comment un acteur peut-il arriver à la direction d'un théâtre?
Je suppose qu'il y a différentes formules pour ça, et si c'est de mon expérience qu'il faut parler c'est le hasard pur. Le hasard qui passe par les événements de 1968 puisque jusqu'en 1968 je n'étais qu'acteur.
Après 1968 à Paris j'ai décidé de reprendre ma valise et de faire le chemin en sens inverse, pour retrouver la Méditerranée au bord de laquelle j'étais né, et de fabriquer une aventure de théâtre qui échappe un peu aux schémas fréquentés à Paris à ce moment-là, surtout après la retombée de 68 où il devenait très très pesant d'y vivre.
Donc arrivé à Marseille parce-que métropole méditerranéenne importante où la culture n'était pas très présente, quand je suis arrivé il n'y avait pas de théâtre, en tout cas pas de théâtre permanent, je suis arrivé sur les traces d'une aventure qui s'appelait "Théâtre quotidien de Marseille", qui réunissait une équipe absolument formidable de gens de grand talent et de grande ferveur comme Antoine Vitez dont c'était les premiers pas, Michel Fontaine qui a dirigé cette aventure, Vial, Monod, Sarkissian, Vitton, bien d'autres et j'en passe, je pense à Michel Granjean qui a suivi aussi tout ça, j'avais entendu parler de cette aventure pour son travail de création et son militantisme citoyen, à Paris.
Tirage confié pas Tania Sourseva
Quand je suis venu à Marseille pour tenter cette nouvelle aventure théâtrale j'ai cherché le T.Q.M., les traces de cette aventure qui s'était arrêtée parce qu'elle n'intéressait pas les politiques de l'époque, et même on pouvait imaginer que ça les irritait parfois. Leurs prises de positions étant souvent engagées et pas forcément dans le sens qu'ils souhaitaient. Je pense d'ailleurs que c'est un malentendu parce que l'histoire leur a donné raison. Toujours est-il que par hasard je commençais dans un petit théâtre qui s'appelle Massalia, et c'est le théâtre ou avait commencé le théâtre quotidien de Marseille. Je suis maintenant dans le Toursky qui s'appelait à l'époque salle Ceylan, le théâtre où a terminé l'aventure du T.Q.M., donc, et par hasard bien qu'au courant, j'ai mis mes pas dans leurs traces et je suis arrivé dans les mêmes lieux.
Quand j'ai vu cet espace qui s'appelle maintenant le Toursky, qui était une sorte de hangar, une espèce de cathédrale désaffectée où la réverbération empêchait de faire du théâtre, j'ai senti que quelque chose d'important se passait-là, qu'il y avait une vibration particulière et qu'il fallait prendre le relais.
J'ai appris par la suite que ce lieux, ici, planté dans ce quartier populaire, avait été fabriqué en 36 sous le front populaire, qu'il y avait eu des gens qui essayaient de faire fleurir une utopie et moi-même j'en poursuivais une. On était à peu-prés sur la même longueur et c'est vraiment très étrange de retrouver ces sentiers.
Tania Sourseva sur scène
Voilà le chemin jusqu'à Marseille, mais un chemin un peu solitaire puisque je suis arrivé tout seul avec ma compagne qui était aussi actrice mais native de Marseille, elle était à la Comédie Française et elle m'a suivi dans cette aventure théâtrale. Nous avons commencé à faire du théâtre à deux. Petit-à-petit cette vieille carotte du théâtre populaire -qui pour moi était représentée par le travail de Vilar- me revenait constamment à la tête. Je me suis dit qu'on devait fabriquer une aventure populaire à Marseille qui ne fédère pas seulement les instituteurs ou les gens qui ont déjà une certaine culture, mais tous ceux qui pensent que le théâtre est un lieu privilégié qui leur est interdit. Alors je me suis dit "on va choisir une pièce sensible et intelligente qui ne soit pas quand-même prise de tête, parce que je voulais que le public prenne ça à plusieurs niveaux et puisse s'accrocher.
Je décidais de commencer avec un spectacle qui s'appelait "l'île des chèvres" d'Ugo Betti, il y avait une distribution de neuf personnes et comme pour ce genre de travail il faut un chef d'équipe, un regard, je me suis jeté presque spontanément à la flotte en me baptisant metteur-en-scène.
Petit-à-petit c'est la nécessité qui a créé. Après je me suis rendu compte qu'il y avait un travail exceptionnel à inventer dans la recherche de formes nouvelles, dans la création, dans la mise en scène, c'est devenu une aventure passionnante pour moi au même titre que celle de l'acteur, à un tout autre niveau parce que ça n'a absolument rien à voir. C'est très diffèrent, même si c'est bien de connaître le sentiment des acteurs et leurs réflexes pour pouvoir éventuellement les deviner au moment où il le faut, et les aider, parce que c'est très compliqué un acteur.
C'est la raison pour laquelle vous continuez vous-même de jouer?
C'est par intermittence, oui, il y a des moments ou j'ai absolument besoin de jouer, et il y a des moments ou ça m'emmerde horriblement. J'ai eu cette chance, je peux faire de la mise en scène, quelque-fois prendre du recul pour mettre sur pied des aventures qui sont des aventures de mise en scène mais pas sur le plateau, quand on crée des réseaux internationaux de saltimbanques c'est aussi une façon de faire de la mise en scène à une autre échelle. C'est simplement rester en vie.
Initier ce genre d'aventures c'est encore faire son métier d'homme de théâtre, mais ça diversifie, ça donne des respirations colorées, un coup acteur, un coup décorateur, un coup metteur en scène, l'un enrichit l'autre, les expériences diverses s'enrichissent mutuellement, il me semble.
Il me semble.
D'aucuns pourraient penser que c'est de la dispersion, moi j'ai besoin comme ça de naviguer sur la palette. D'ailleurs l'aventure telle que je l'ai voulue, la nécessité m'a obligé aussi bien de tirer les câbles, de balayer le plateau, de faire de la mise en scène, de conduire un spectacle au niveau de la régie lumière ou du son, que d'être acteur. Donc pour moi ça se fait d'une façon absolument naturelle et c'est même une grande difficulté de penser qu'on est dans un casier avec une étiquette.
Justement, le fait de revenir sur la scène en tant qu'acteur et d'être dirigé par un autre metteur en scène n'est-ce pas problématique?
En voilà une question qui est bonne! C'est très difficile.
C'est très difficile!
Et c'est pour ça je pense que je suis peu acteur, parce que difficilement pliable. Et si je ne rentre pas dans l'imaginaire du metteur en scène très très rapidement je me rebelle, je n'ai pas cette discipline élémentaire que demande l'instrument qu'est l'acteur et je refuse de suivre. Ça c'est plutôt emmerdant. Par contre quant je tombe sur un metteur en scène que je respecte profondément, dont je comprend le travail, les mécanismes, je le comprends parce qu'il se rapproche sans doute de ma façon de penser à ce moment là, je peux aller au bout d'un travail avec la plus grande ferveur, m'y jeter vraiment. Ça devient des compagnonnages. C'est pourquoi je ne joue pas beaucoup, je ne joue qu'avec des gens que j'estime vraiment. J'ai eu à travailler avec des gens avec lesquels je pensais que j'allais pouvoir faire un bout de chemin, et le chemin a été extrêmement pénible. Maintenant je suis comme un cheval rétif, je passe difficilement dans les sentiers où je me suis pris les pieds.
Vous parliez d'un travail avec des personnages internationaux, il y a dans votre programme beaucoup de personnes de renom que vous produisez au Toursky, n'est-ce pas difficile d'arriver à un tel programme, à une telle réussite?
Là aussi ça se fait petit à petit, ça peut pas exister comme ça du jour au lendemain, parce qu'on a décidé qu'un projet.....C'est parce qu'on a envie de quelque chose, on tisse petit à petit avec beaucoup d'authenticité les mailles de ce filet qu'un jour on attrape quelque chose, et je suis par nature intéressé et très curieux de ce qui se fait dans la création contemporaine sur le plan international, j'ai horreur des frontières, je n'aime pas les nationalismes cons, je trouve qu'il n'y a rien de plus humiliant qu'une frontière, et de toute façon dans dix mille ans y'en aura plus. Alors qu'est-ce qu'on fait avec ça?
Il n'y en aura plus ou il n'y aura plus de planète. C'est tellement inimaginable qu'il y ait une telle disproportion entre les conforts, entre les commodités, entre les misères et les richesses du monde qu'à un moment donné on peut bien s'imaginer que nous aurons tout dans dix mille ans, ou nous n'aurons plus rien. Ça c'est la lucidité.
Pourtant ces frontières que vous semblez ne pas aimer ce sont celles qui permettent une telle diversité, une telle richesse?
Entendons nous bien, quant je parle de frontières je parle de barrière entre les cultures, moi je suis pour l'échange, et d'ailleurs, si l'homme était vraiment libre il puiserait dans ses racines absolument, une personnalité qu'il affirmerait, qu'il pourrait partager, je ne demande pas aux gens de gommer leur culture pour s'uniformiser, il n'y a rien de plus con.
Je suis pour une planète plurielle, multiple, mais fraternelle, quelle que soit cette culture, et de cette culture gommer la barrière. Voilà. Supprimons cette connerie. Et de toute façon c'est inéluctable. Je vois dans les aéroports où j'attends pendant des heures avec une ligne rouge, monter pas à pas pour montrer des papiers qui ne veulent strictement rien dire, j'aurais envie que tout d'un coup l'humanité ait le génie en même temps de chacun prendre son passeport et de le déchirer à la même minute.
Qu'est-ce qu'on ferait là? Tout d'un coup on aurait des hommes libres parce qu'ils ont décidé de déchirer un papier, alors que maintenant il semblerait que pour qu'ils soient libres il faut qu'ils aient ce papier qu'ils réclament et qu'on ne veut pas leur donner. C'est absolument ahurissant.
Alors les mecs se cachent, ils souffrent parce qu'ils n'ont pas de papiers, alors ils peuvent pas vivre là où il semblerait que ce soit un petit peu plus facile, ou un petit peu plus heureux de vivre. Très vite ça pourrait devenir plus simple dans les pays ou c'est plus difficile.
C'est une autre histoire, mais je ne peux pas imaginer une aventure théâtrale pour en revenir à la question qui ne soit pas internationale, où tous les hommes et les femmes qui font le même métier que moi, en se servant de leur culture, de leurs racines avec une grande authenticité, une grande qualité de proposition, ne puissent pas se rencontrer et faire ensemble des choses, c'est me semble -t-il le mouvement naturel, parce que une fois qu'on aura cherché au fond de soi même tout ce que notre mémoire peut nous offrir de magique pour pouvoir partager un moment, ça ne suffira jamais. Ou alors c'est un feu qui pète et hop, c'est terminé.
Il faut qu'on se rencontre, qu'on échange, en respectant absolument le regard de l'autre, sa personnalité, sa façon de voir, une extrême tolérance, accepter la liberté des uns et des autres.
On enfonce des portes ouvertes, mais la bêtise gonfle tellement que de temps en temps il est intéressant de rappeler que la liberté s'arrête ou commence celle des autres. Jusqu'à quel point peut-on tolérer que les gens soient intolérants? A un moment donné on doit dire non, stop, là c'est la bêtise qui gagne, et dès que la bêtise gagne trop... armons-nous tous d'une épingle à nourrice et faisons péter cette baudruche qui de toute façon ne nous amène rien sinon de la merde. Cette bêtise est tellement au pouvoir quel-qu'il-soit, les gens qui savent les choses et essaient d'en profiter.....
Avec Marie-Claude Pietragalla et les danseurs du BNM pour la création de "Ni Dieu ni Maitre".
Justement à propos des gens qui savent les choses on a souvent dit de Bernard Pivot qu'il avait fait de la sous culture pour la "populace", comment vous positionnez vous entre la culture et les petites gens?
C'est extrêmement difficile de répondre à une question comme ça. Pivot c'est déjà pas mal qu'on fasse une émission qui lève un peu le niveau dans cette lucarne imbécile qui a l'habitude de nous servir la plupart du temps des sous séries américaines, il dit peut-être des conneries mais il dit aussi des choses intéressantes, et en plus ça m'étonnerait que ce soit la "populace" qui suive ce genre d'émission. Malheureusement. Si ça peut élargir un peu la diffusion des livres j'en suis ravi, je n'en suis pas convaincu. Par contre je ne peux pas imaginer que la culture soit réservée à un cercle privilégié. La culture, d'abord il faudrait définir. Je ne peux pas imaginer que la vie, la rencontre, l'échange, le partage soit le fait d'une catégorie particulière. C'est ouvert à tout le monde et je continue de penser qu'il n'y a pas là non plus de frontières à la sensibilité et l'intelligence.
Le problème c'est qu'il y a des gens très intelligents qui manquent de sensibilité, donc qui sont aussi cons que des gens qui sont sensibles et qui manquent d'intelligence. Sinon je pense que les êtres humains, quelle-que-soit leur naissance, leur situation sociale, leur expérience de vie, sont tous ouverts à toute les choses qui font la curiosité de la vie, qui font la respiration humaine, ils sont tous ouverts et tous accessibles à ça.
Alors il faut quelque fois accompagner d'avantage, de toute façon quel-que-soit l'homme que nous sommes il est nécessaire que quelqu'un nous mette la main sur l'épaule à un moment donné, parce que ça ne vient pas comme ça. On se transmet des choses, on a plus ou moins de chance quand on a des rencontres plus ou moins fortes.
Dans ma vie, mon université ç’a été la rue, mais j'ai eu la chance d'avoir les maîtres les plus exceptionnels, les plus étonnants et les plus fraternels, qui ont pu me montrer des pistes.
Ces gens là sont d'une telle humilité qu'ils font d'abord comprendre qu'ils ne savent rien. Quand on se heurte au savoir en général les gens pontifient, ils ne s'en servent que pour maintenir une forme de pouvoir dont ils profitent d'une manière ou d'une autre, dont ils croient profiter. On pourrait en parler longtemps, mais à un moment donné il faudra bien que les choses se renversent.
Entre théâtre, culture et gens du peuple, n'y a t'il pas quelque chose de figé, d'une manière pratique?
Oui, bien sûr, c'est pourquoi je continue de me battre dans l'endroit où je suis, on parle d'une goutte d'eau, regarde, voilà, un postillon là dedans (il crache en direction de la passe du vieux port) mais je postillonne à plaisir et je continuerais à le faire, et puis tu m'interroges, je te réponds, et je ne sais pas, à un moment donné, petit à petit, une sorte de membrane résonnante comme ça arrivera jusqu'à la tête de certaines personnes qui diront hé bien, on arrête toutes ces conneries, ce qu'on nous raconte ici ou là c'est pas vrai, on peut se faire une opinion tout seul sur les choses si on le décide, on va rencontrer qui on veut, on peut rencontrer qui on veut, tout est possible, on le disait tout à l'heure des écoles d'ingénieurs c'est ça qui est fantastique c'est possible, tout est possible. Ton usine est dans ta tronche.
C'est ça le pari qu'on voulait faire au Toursky, c'est de décider de mettre une aventure théâtrale dans ce quartier populaire qui sera fréquenté par le monde entier, parce que c'est l'ambition de ce théâtre.
Tu me disais les personnalités les plus importantes de la création fréquentent ce lieu, ils viennent de partout, c'est inimaginable mais c'est vrai, parce que tout d'un coup on a décidé que notre usine était dans notre tronche. Alors toi, n'importe qui peut le décider, et pourquoi ça serait pas au bord de la Méditerranée?
Pourquoi faudrait-il aller se faire estampiller par les capitales, parce que c'est là qu'il y a le noyau le plus nourri de presse qui diffuse le maximum de connerie en général?
Le Constanta affrété par le Théâtre Toursky entre à quai au J4 pour une tournée théâtrale en Méditerranée
Mais pourtant le Toursky n'est pas encore théâtre national.
Mais il est international le Toursky! Et parce que j'ai décidé qu'il le soit. Si je devais attendre que quelqu'un me mette une étiquette sur mon aventure, alors ma foi, c'est ça qui me fait marrer! On est quoi?
On est ce qu'on décide d'être.
D'abord j'ai dit ce que je pensais du national.
Je suis très heureux d'être de cette culture, de cet endroit, je suis né à Nice, l'odeur de cette ville m'appartient, ce n'est pas de ma faute si elle est con, mais je sais que je suis de ce terrain, de ce pays qu'est Marseille. Pour moi c'est un pays, où tous les déracinés peuvent se fabriquer une identité, c'est pratique, un pays de nulle part, c'est peut-être cette vitrine de fraternité internationale qu'on projette pour dans dix mille ans.
Quand on a un peu d'espoir.
National ça me fait drôlement marrer, quand on me parle de national j'ai l'impression d'être arrêté sur une bande rouge trois pas avant la guérite des douaniers. Cette humiliation est tellement présente!
Pourtant passer théâtre national ça permettrait peut-être plus de facilités?
Dans le système. Je serais complètement paralysé. Le responsable d'un théâtre national est parachuté par un ministère qui a une idée précise de sa politique culturelle. Moi je suis en guerre avec le ministère.
Quand je vais travailler à l'étranger on tisse des liens absolument extraordinaires avec les saltimbanques des pays où on va, on ne rencontre pas un seul officiel, ils fréquentent aussi peu les aventures ferventes que nous nous fréquentons les salons des ambassades.
C'est dire qu'il y a un hiatus.
On n'est pas dans la même vie, donc la leur elle ne m'intéresse pas. Un peu plus de budget, je te disais que je me battais contre ces fictions sociales qu'heureusement 68 a pu me faire comprendre, j'en ai rien à foutre d'avoir un peu plus de crédits simplement pour un confort stérile. Je veux de l'argent pour fabriquer des aventures, faire des films, des coproductions, des trucs comme ça. Et eux ils ne veulent pas, mais au bout d'un moment ils finissent par craquer. Quand même on finit au bout de trente ans d'une aventure comme celle là par avoir un peu d'argent, mais ils ne le remettent pas en question, parce que ça vient d'un rapport de force citoyen.
Tu n'as pas tissé tant de choses et fabriqué tant d'aventures sans avoir une multitude d'amis qui ont fini par comprendre le projet, alors si on te gifle ça fait mal à quarante mille personnes, tu vois, hé! hé! les gens le savent, ou alors même si ça leur fait pas mal ils peuvent imaginer que ça fait mal aux autres.
Donc à ce moment là ils te foutent la paix. C'est toujours ce que l'on croit que les autres ont qui impressionne.
Arrange toi pour qu'ils imaginent qu'en te touchant ils touchent beaucoup de monde.
Pour finir, vous parlez de film, vous avez des projets particuliers?
Ah oui. Tiens, oui oui, tu es perspicace. Oui j'ai un projet qui s'appelle "Le chien des quais".
Il y a ce projet que je traîne depuis longtemps, qui sera peut-être le seul film que je ferais dans ma vie, mais je finirais par le faire.
Avec les années je me rends compte que je peux faire des choses plus importantes comme fédérer les saltimbanques que j'ai rencontrés et qui sont dans cette espèce de réseau informel qui s'appelle Institut International du Théâtre méditerranéen, qui autour de ces noyaux officiels placés dans les pays fréquentent des artistes qui sont mes amis et qui ont accepté de travailler dans un long métrage. Une fiction que je trimballe depuis un certain temps, à laquelle Léo Ferré devait participer, qui malheureusement ne sera plus là quand on fera le film. Mais là c'est une histoire relancée par l'ancien ministre de la culture Russe qui est passé au cinéma maintenant, qui aime énormément le scénario et qui veut absolument aider à la réalisation de ce film. Avec la participation des acteurs russes, parce que le film part de la Russie. Donc ce sera une façon de réunir tous les compagnons, tous les partenaires, tous les saltimbanques qui depuis maintenant trente ans se fréquentent. Ce sera sur l'image la preuve de cette fraternité cimentée déjà.
Léo Ferré ne sera pas là physiquement mais ne peut-on lire entre les lignes qu'il vous a montré une certaine voie?
Ça évidement. De toute façon curieusement quoi que je fasse, souvent j'ai l'impression qu'il y a le poète qui m'accompagne. C'est valable pour chacun d'entre nous, on est tous accompagnés par les poètes. Moi j'ai eu la chance que celui là soit mon ami. C'est une relation plus personnelle mais il ne serait pas mon ami, je crois que comme Rimbaud, comme Maïakowsky, comme Michaud ou comme Baudelaire, on compagnonne. Et quoi que je fasse il y a toujours ce compagnonnage qui est présent.
Alors avec Léo c'est une complicité un peu plus forte, d'autant que maintenant je ne pourrais pas imaginer le personnage que je lui avais destiné sans vouloir peut-être un peu que ça lui ressemble. Dans l'âme. Pas faire un clone.
Et c'est vous qui jouerez ce rôle là?
Non, c'est pas moi! Ah! Ah! Moi si je fais la mise en scène je joue pas. Mais tiens j'avais pas pensé à ça.
Non non non. Ça sera un vieil homme irascible et tendre, poète et aventurier, moi je suis pas un vieil homme.
(Il éclate de rire)
Monsieur Martin je vous remercie.
Yvan, je fais de même.
Propos recueillis par Yvan Barak.
Photos Jean Barak.
Comments