Le retour de l'enfant prodigue
Koubi est un enfant du pays, mais lequel?
Né à Cannes, Hervé Koubi est diplômé de l'Université de Marseille, Docteur en pharmacie et biologiste, mais la découverte de la danse à la Maison de la Culture d'Istres changera sa vie. Passionné, après le Centre Rosella Hightower de Cannes et l'Opéra de Marseille, il dansera pour Jean-Charles Gil, Jean-Christophe Paré, Emilio Calcagno, Barbara Sarreau, Claude Brumachon et Karine Saporta, avant de devenir lui même chorégraphe.
Il ne fait rien comme les autres: avant le spectacle il explique sa démarche, ses origines, sa conception, avec une voix qui tremble d'émotion. Hervé, ça peut être breton.
Youssef Koubi est né de parents immigrés d'Algérie, il l'a appris très tardivement en posant une question anodine à son père, particulièrement taiseux: « Koubi ça vient d'où? », celui-ci sort la photo d'un blédard, l'arrière-grand-père. Le choc est violent, comme un pan de mur qui tombe en ouvrant une brèche vertigineuse sur un désert, celui du silence et celui des sables de l'Algérie, à perte de vue.
La difficulté, c'est que Hervé et Youssef, c'est le même.
Cette obscure clarté des origines
Dans le silence du secret des origines, il est de ceux qui cherchaient sans savoir quoi, et de ceux qui se cherchent parfois là où ils ne sont pas.
Comme au centre de l'Afrique, en Côte d'Ivoire où il s'est donné « Rendez-Vous », titre de sa précédente création à la beauté sauvage, avec des danseurs initiés à la danse traditionnelle à qui il a fait découvrir la danse contemporaine. Un de ces chocs des cultures qui vous dévoilent des horizons nouveaux. Il ne s'y est pas trouvé mais il a rencontré l'autre: tous les chemins mènent à soi.
Après la révélation de ses origines insues il est partie à leurs recherches, puis il est revenu avec ses frères retrouvés. Ils dansaient le hip-hop dans les rues d'Algérie ou sur la plage, là où la police vous laisse à peu près tranquille. L'un d'entre-eux vient de Bobo Diolasso au Burkina Faso.
Hip-hop
C'est et ce n'est plus du hip hop, tant l'écriture et la sensibilité du chorégraphe nous emmènent très au-delà de la performance, pourtant époustouflante, dans une dramaturgie inspirée du livre éponyme de Yasmina Khadra. Un enfant algérien est élevé comme un roumi par des proches parents pieds-noirs, ballotté dans son histoire et son identité.
Le chorégraphe tisse une dentelle raffinée, tracée dans l'espace par le mouvement de la danse, évoquant les chemins de l'errance à travers un monde troublé.
Testostérone
Ce spectacle est à l'image d'un Maghreb qui se radicalise, intégralement masculin, Schéhérazade est confinée au gynécée en attendant le sacrifice.
Ils sont tout en force et en puissance, beaux comme des dieux orientaux.
Si on dit à Hervé Koubi que son spectacle manque de filles, il réponds simplement « Je trouve aussi, mais aucune ne s'est présentée au casting ». Une fille qui danserait le hip hop dans une rue d'Algérie aurait certes une espérance de vie assez limitée. On pourrait objecter qu'il ne manque pas par ici de "beurettes" aussi vives que talentueuses, mais ce serait artificiel. Les dés jetés, ils sont retombés comme ça.
C'est brut de décoffrage dans une belle lumière de moucharabiés, des moiteurs de hammams pour hommes, des envolées viriles sur des musiques Soufi et des bouffées de Bach.
Le chorégraphe tisse une dentelle raffinée dans l'espace de l'errance à travers un monde trouble. Entre émotion, spiritualité et beauté fulgurente des corps de lutteurs, les spectatrices sont fascinées.
Le public tout entiers leur fait un triomphe et applaudit debout.
Magnifique.
Photo et commentaire Jean Barak
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