Exposition de nus au Pavillon noir: tableaux vivants de Belles Indifférentes
« La Belle Indifférence » est littéralement une exposition de tableaux classiques de nus du XVème siècle à nos jours, à ceci près qu'ils sont représentés en temps réel et en fondu enchainé par trois danseuses, aussi nues qu'il est possible.
Leurs corps sont intégralement exposés, éclairés par une lumière crue, elle virera sang de bœuf dans une montée du son à la limite de la douleur, puis reviendra à un éclairage naturaliste pour une illustration littérale du débat sur la virginité de la mère du Christ et de l'émasculée conception, à l'anachronisme prés du tampon hygiénique.
Transgression
Ce spectacle estompe les frontières et transgresse les genres: où commence la performance, quand devient-elle de la danse ou de la non danse?
Frontières
Où se place la frontière entre l'exposition et l'exhibition? Quelle différence y-a-t-il entre un tableau exposé au Louvre, un spectacle et un peep-show? Les danseuses ont elle mêmes sacrifié à ce genre sulfureux. Il n'y a pas d'érotisme dans cette représentation, il est anesthésié par le discours savant du critique d'art, puis mortifié par le récit des « travailleuses du sexe » sur les exigences sordides des clients et les règles qui tracent une frontière ténue entre peep-show et prostitution. Entre le nu sur scène, le peep-show et la prostitution, la frontière pourrait se traverser dans les deux sens, sans qu'il n'y paraisse. Elle existe pourtant.
Pulsion scopique
C'est la force de ce spectacle dérangeant, confrontation entre la fascination imaginaire et le réel du corp, noués par le récit glaçant de la « belle indifférence de l'hystérique concernant son symptôme ».
Quelle différence y a-t-il entre l'acte de Jack l'éventreur et celui du chirurgien qui taille dans la peau, la chair et les viscères de son patient?
Freud répondait: « Le destin de la pulsion, pour une part refoulement et pour l'autre sublimation . » Perversion en deçà, art au delà.
Quelle est la frontière entre le client voyeur et le spectateur esthète? Entre le sublime et le sordide, l'art et le cochon, l'érotisme et la pornographie?
C'est précisément là que l'art se situe, ou pas, dans la rencontre entre ce que dévoile le regard du spectateur, et l'intention de la monstration de l'artiste. « Le cul est innocent, c'est la tête qui est coupable » soutenait Romain Gary.
La beauté glacée des belles indifférentes de cette « Belle Indifférence » nous renvoient à nous même.
Ca peut être violent, ou édifiant.
Photos et commentaires Jean Barak
Interprètes Alice Roland, Marianne Chargois, Gaëlle Bourges
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