Fondatrice de la compagnie "L'Eolienne", Florence Caillon a présenté son "Lac des Cygnes" aux professionnels, journalistes, programmeurs et photographes, au siège de la Compagnie "Archaos" dirigée par Raquel Rache de Andrade et Guy Carrara ce mercredi 4 février. Ce spectacle était programmé dans le cadre de la quatrième Biennale Internationale des Arts du Cirque. Comme le public n'était pas autorisé par Sa Grâce Sanitaire Présidentielle, il n'était pas au rendez-vous, et ne saura donc pas qu'il a raté -espérons-le provisoirement- un objet présumé circassien inidentifiable, mais néanmoins jubilatoire.
Du neuf avec du vieux
Le métissage n'est certes plus inédit dans les arts de la scène, le cirque invite la danse et la danse le cirque, de même pour le théâtre et réciproquement, mais le plus souvent on retrouve ses billes. On passe insensiblement d'un univers à l'autre, souvent avec plaisir: Les très britanniques Gandini Juggling font se rencontrer la danse classique et le jonglage, les danseurs jonglent et les jongleurs dansent. Le Ballet National de Marseille invite les Arts Sauts dans "Sakountala" de Marie-Claude Piétragalla. Les danseurs et danseuses de la Compagnie Grenade de Josette Baïz explorent la verticalité avec les toiles des Araignées de Mars. N'oublions surtout pas le chorégraphe et danseur Joseph Nadj qui assure faire du théâtre avec des circassiens. La liste est trop longue de cette tendance irrésistible qui a atteint sa majorité, dont on pourrait décliner les œuvres sans fin. Personne ne regrettera le cabaret à l'ancienne avec sa succession de séquences disparates, l'art et les artistes ne se cantonnent plus dans une seule discipline, fut-elle d'excellence.
Dans ce "Lac des Cygnes" vous êtes perdus. Foin de juxtaposition, la fusion est achevée. Théâtre d'images, pantomime, danse classique et contemporaine, cirque, tout se confond en genre et en nombre.
Mais on s'en fiche complètement.
Fais moi un cygne
ils sont trois "garçons" et deux "filles" cygnes noirs ou cygnes blancs, ce qui permet de les distinguer. Polyamoureux, polyandres et polygynes, poly genres également. C'est dans l'air du temps mais parce qu'ils son drôles, aviaires à souhait, l'humour fait tout passer. Les esprits chagrins objecteront qu'on ne leur fera pas passer de gros gaspards avec du poil aux pattes pour des petits rats de l'opéra, que si la différence anatomique se réduit à bien peu de choses, Mars et Vénus tournent toujours autour du même soleil.
L'affaire est dans la mare
Nul n'est certes censé ignorer les lois de la nature gravitationnelle, mais nul n'est non plus tenu de s'y conformer, sauf à ses risques et périls en Hongrie, ou dans l'espace, où elle n'ont pas cours.
Ils barbottent cul par-dessus tête dans une mare aux cygnes, mais soudain, sans prévenir, font quelques traversées aériennes éblouissantes à la Nijinski, afin que nul n'en ignore.
Ils excellent dans la pantomime et vous arrachent quelques gloussements irrépressibles. De parades en pariades quelques cygnes noirs viennent semer le trouble dans l'ordre présumé naturel, comme dans l'affaire du Lac initial. Chacun cherche sa chacune et réciproquement, chacun son chacun et chacune sa chacune. Ca doit bien faire dix possibilités, au minimum.
Soudain c'est du main à main, vous êtes au cirque quand vous vous pensiez à la danse, et c'est éblouissant. Ca n'a plus aucune espèce d'importance, ils vous ont embarqué dans leur aventure onirique.
Le spectacle devait durer une heure et quinze minutes, mais emporté par leur élan et leur bonheur d'être enfin sur scène devant le public, fut-il professionnel, ils nous en offrent vingt-cinq de plus, ce qui chagrine les prostatiques. C'est le seul défaut, il y en a un peu trop, mais trop de bonnes choses ne nuit pas. Et ils resserreront quelques boulons.
Aussi drôle et inventif que virtuose, ce Lac est jubilatoire. Vivement le public!
Comme la majorité absolue des Français est athée et agnostique, il est plus que temps de pouvoir de nouveau sacrifier au culte ostracisé du mentir vrai, celui des lieux de Culture, cette hérésie qui donne à penser et pousse au libre arbitre.
Photos et commentaires Jean Barak
Compagnie l'Eolienne de Florence Caillon, avec Lucille Chalopin, Marius Fouilland, Valentino Martinetti, Joaquin Medina-caligari, Tasha Petersen.
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