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Photo du rédacteurbarakjean

Les Noces Barbares d'Angelin Preljocaj




« Noces » est une chorégraphie chargée d’histoire, de sens et d’émotion. C’est la tragédie éternelle d’une humanité sauvage qui lutte pour sa survie et la perpétuation de l’espèce. Une inhumaine humanité à peine plus civilisée qu’une horde primitive.


Noces


« Noces » est un livret de bruit et de fureur, écrit par Igor Stravinsky, interprété par les chœurs d’Aix en Provence et les percussions de Strasbourg. Une musique étonnement contemporaine à la force sauvage, qui vous percute l’estomac et vous vrille les nerfs, qui vous saisit et ne vous lâche plus. La pièce de trente cinq minutes en paraît cinq et vous laisse sans voix, asphyxiés. A la violence de la musique répond la violence des images.




Du monde aux Balkans


Dans un village des Balkans c’est jour de noce. De petites filles, onze ans parfois, vont être vendues à leurs futurs époux, pour quelques bêtes, quelques arpents de terre ou de bois, ou pour éteindre une vieille querelle. Angelin s’en souvient, il y est né. On mange, on chante, on boit, les hommes s’enivrent, s’affrontent, tirent des coups de feu en l’air, dansent et fraternisent. Les jeunes filles sont cachées, avec leur enfance, leurs souvenirs, leurs poupées, confinées pour la dernière fois dans leur chambre. Ce soir, on portera des enfants brisées d’angoisse et de chagrin, des poupées de son, au sacrifice. Pour elle, l’amour ne sera jamais qu’un viol, comme on fait d’une pouliche sauvage et libre un animal domestique docile, mené au Knout.



Compassion


Angelin n’est pas non plus sans compassion pour les brutes écrasées à leur tâche, égratigner une terre aride pour quelque maigre récolte. Leur souffrance et leur détresse sont -elles aussi- bien réelles.


Poupées de son


Angelin Preljocaj nous épargne les lendemains de draps sanglants aux fenêtres, il s’arrête avant. Des poupées de chiffon virginales qu’on bouscule et jette en l’air sont les métaphores de l’enfance ravagée, de l’enfant forcée, à peine s’éveille t-elle au désir, alors qu’elle s’exerce à peine maladroitement au jeu de la séduction.



La danse est éblouissante, elle va à une vitesse folle, c’est virtuose jusqu‘au sacrifice, ce saut de la mort où les filles se jettent dans le vide. Les garçons assis, de dos, les attrapent à la dernière extrémité. A chaque fois, c’est l’extrasystole assurée.


Magnifiquement portée par dix danseurs et danseuses excellents, c’est sans conteste la plus belle pièce d’Angelin Preljocaj, la plus habitée, d’une sincérité sans concession, un chef d’œuvre absolu.


C'est une recréation par le Ballet Preljocaj junior, elle ne manquera pas de tourner à nouveau. Avec deux pièces de la grande Carolyn Carlson, portés par le Cannes Jeune Ballet, "It'is Alwright" et "Wind Woman"le bonheur serait complet.


"Noces" versus Compagnie Grenade


Photo et commentaire Jean Barak.


Pièce pour dix danseurs, créée en 1989 reprise en 2005 par Isabelle Arnaud, Gaëlle Chappaz, Sergio Diaz, Sébastien Durand, Alexandre Galopin, Yan Giraldou, Natacha Grimaud, Emma Gustafsson, Céline Marié, Bruno Péré. Lumières Jacques Chatelet, Notation Noémie Perlov Dany Lévèque, Assistantes Noémie Perlov Claudia De Smet. Puis reprise en 2011.






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