Ils étaient programmés ce 12 mars 2021 au Théâtre de l'Olivier d'Istres, mais comme les lieux de culture sont fermés, vous êtes invités à vous divertir en faisant vos courses, mais à moins de dix km de chez-vous. Au-delà, soyez prudents, le virus vous guette. Prudence et patience, les vaccins arrivent!
Le cygne assassiné
Un insupportable outrage à la danse classique a été perpétré ce 16 mars au Théâtre de l'Olivier par les « Trocks », anarchistes manifestement américains.
Ils sont supposés s'appeler Olga Supphosova, Moussia Shebarkarova et Viacheslav Legupsky, Gazella Verbitskaya ou Tatiana Youbertyoubootskaya, Nina Immobilashvili and so on, mais ça ne trompe personne, ce sont des pseudos.
Dirigé par Tory Dobrin, la troupe des Ballets Trockadero de Monte-Carlo a été fondée en 1974, année du Watergate et de la démission de Nixon, quarante sept ans déjà. A l'origine, ce n'était que la pochade d'une bande de travestis dans la plus pure tradition du cabaret burlesque, destinée aux scènes underground (pardon, en sous-sol, autrement dit de caves). A leur manière, ils étaient des amoureux de la danse classique tout en se gaussant de ses travers, de ses codes rigides et de son anachronisme. Ils l'ont donc passée à la moulinette d'un humour ravageur, dans un show (pardon, une représentation) persillé de pitreries, chutes digne de la parabole des aveugles de Bruegel, croc en jambes et coups de pieds vicieux sur la copine à terre. Cette pochade de joyeux farceurs a enflammé le monde de la culture américaine comme un feu de brousse en saison sèche, dans une Amérique bouillonnante socialement et culturellement. Les pitres continuent leur carrière internationale avec un succès jamais démenti.
Swan Lake
La mort du cygne est un morceau d'anthologie, il est sévèrement burné et poilu comme un grisli, son tutu perd ses plumes, en tombant il se brise une aile, son agonie est insoutenable et il finit comme une dinde à l'étal. Le salut en revanche est éblouissant de grâce, de sourires de théâtre et de baisers adressés au public.
Esmeralda
Ils font les clowns, mais jamais ils ne sont ridicules ni vulgaires, toutes ces fantaisies ne seraient pas aussi hilarantes si elles n'étaient soutenues par de grands danseurs. Même s'il y a des petits nouveaux ils ne sont plus de la toute première jeunesse, c'est une deuxième carrière qui s'offrait à eux -ou qu'ils s'offraient- Mais ils sont en pleine forme et s'amusent comme des petits fous. Dans « Esméralda », leur brio est tel qu'on oublie que toutes ces filles aériennes sont des hommes taillés en déménageurs.
Mais le summum est atteint dans la parodie de Merce Cunningham, avec une musique live (pardon, vivante sur scène) furieusement contemporaine et foutraque, parodie d'un tel sérieux et d'une telle fidélité compassée qu'on ne peut s'empêcher de hurler de rire.
Curieusement, personne n'a quitté la salle, offusqué de ces outrages aux canons et à la quintessence de l'art chorégraphique, on a même entendu ici ou là quelques fous rires irrépressibles. S'il fallait absolument les caser, c'est à l'évidence dans la danse marxiste contemporaine, tendance Groucho.
Sans aucun effet secondaire toxique, c'est un remède à ces temps redoutables comme à la tendance virale à se croire investi d'une mission sacrée, une école d'humour et d'humilité.
Il y a matière à lancer en urgence une pétition sur les réseaux sociaux pour obtenir le remboursement du billet de spectacle par la sécurité sociale.
Photos et commentaires Jean Barak
Comments