Créé au Théâtre de la Passerelle avec Flavie Edel Jaumes, mis en scène par Michel Bruzat, avec les costumes de Dolorès Bruzat, le son et les lumières de Franck Roncière, "Merci" de Daniel Pennac sera joué au Théâtre des Carmes André Benedetto en Avignon, en juillet 2022.
Flavie
On l'a connue Flavie Avargues, quand elle débutait jeune adolescente au conservatoire de Limoges, avec Michel Bruzat comme maître, fondateur du Théâtre de la Passerelle de Limoges, une micro scène de cent places bâtie de ses mains fragiles d'érudit. Fou-passionné de théâtre, il a créé tout ce qui se peut mettre en scène et au delà, multipliant les inédits les plus improbable, comme on creuse une mine pour en extraire des diamants purs. Cent-vingt et un à ce jour. Des grands classiques et des créations improbables, confiés à des artistes flamboyants que la gloire parisienne ignore, Limoges serait le trou du cul de la France s'il n'y en avait nombre d'autres, ce qui dépasserait l'entendement si, par là, on entendait grand-chose.
Si le Festival d'Avignon est le plus grand Festival de Théâtre du monde c'est qu'y viennent ceux qu'on n'irait pas chercher en "Province", suivent à leur rencontre le public et les programmeurs.
Il y a comme ça des artistes flamboyants qui ne peuvent briller de tous leurs feux qu'en Avignon une fois l'an, comme des lucioles dans les ténèbres. Et quand tout va bien, à Paris aussi, quelquefois. Ainsi Marie Thomas Nadine Béchade et Yan Karaquillo, d'autres enfants de théâtre de Michel Bruzat.
Flavie et de ceux et de celles là, qui brûlent les planches, qui vous emportent et qu'on ne peut plus oublier.
Merci
Les mille et une façon de dire merci, ou de ne pas le dire, par Daniel Pennac.
On l'a connu avec "Au bonheur des ogres", "La fée carabine", "La petite marchande de prose" faux polar hilarant et haletant, puis avec la série qui s'ensuit des Malausènes, où les tribulations de la tribu de Benjamin et ses collatéraux vous embarquent dans des aventures de plus en plus invraisemblables qui décollent du réel pour vous emmener dans une fantasmagorie que le public adore.
Puis avec "Chagrin d’École" qui a décroché le prix Renaudot en 2007, autobiographie de sa vie douloureuse de cancre plus ou moins volontaire, promis pourtant à l'enseignement du français avant de se consacrer à la littérature.
Alors, remercié pour l'ensemble de son œuvre, l'auteur doit à son tour satisfaire à l'interminable litanie insipide des remerciements, pour toucher son prix. Il se livre alors à un exercice de style à la Queneau. Avec une roublardise gourmande Pennac tourne autour de son sujet en le flairant comme on flairerait un lampadaire. Comment peut-on recevoir les honneurs et à la fois s'en moquer, gêné aux entournures mais touché et flatté malgré tout. Avec une douce ironie et un cynisme câlin, il moque les convenances et les faux semblants: il ne faut oublier personne et surtout pas les faux-culs, au risque de l'être soi-même.
C'est un petit traité de rhétorique, malin et drôle. Tout le monde y a droit, le jury la famille les proches les collègues, pour finalement trouver -à force de circonvolutions- la cible inattendue de sa route sinueuse.
Daniel Pennac l'a porté lui même à la scène, avec un succès d'estime affectueux pour service rendu aux cancres et aux rêveurs.
Flavie Avargues -qui rongeait son frein comme tous les artistes que la scène transcende- s'empare de ce texte et en déplie toute la féminité. Mise en scène avec la sobriété du Maître de Limoges qui donne toute sa place à l'écrivain et à l'artiste, elle s'empare du public, ne la lâche plus et le séduit, tout à la fois Eve, le serpent et la pomme.
Une grande et belle artiste au service d'un bel auteur.
Michel Bruzat et Flavie Edel Jaumes
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