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Photo du rédacteurbarakjean

"Pôvre vieille démocrasseuse" au Théâtre des Carmes

Dernière mise à jour : 15 juil. 2021


Avec son amour pour le théâtre, sa passion pour les jeux de scène et son intelligence, Michel Bruzat compose une esquisse humoristique fragmentée des thèmes sociétaux qui questionnent notre existence: réincarnation, rapports médecins patients, Eve et Adam, guerre et paix. Ces concepts hétéroclites se combinent sous le jeu de Marie Thomas, son regard, les textes de Sol et la mise en scène de Michel Bruzat.

Célébré notamment à Limoges Avignon et Paris, le choix de ses mises en scène n'a rien d'anodin. Il a connu de nombreux succès au Festival d'Avignon avec des pièces exigeantes.

Cet été 2021, comme pour donner son coup de poing personnel à l'épidémie, il célèbre le retour de la culture en jouant un mois entier, du 7 au 31 juillet au Théâtre des Carmes André Benedetto à Avignon.

Cette esquisse fragmentaire de grands points de nos vie, adaptée des textes de Sol, est approchée aussi minutieusement que naturellement par Marie Thomas, grande artiste chevronnée et passionnée.

Devant des admirateurs de longue date et des curieux attentifs, le silence se fait à l'apparition de Marie derrière un rideau de velour marron, au milieu de la scène. Elle arbore un costume coloré du dix-septième siècle, jaune marron, coiffée de vert, avec des bottine à talon haut anachroniques.

Elle évoque la réincarnation avec la conviction d'un croyant. Paulo Coelho et tous les boudhistes du monde devraient assister à cet évènement heureux. Marie parle et on comprend que chacun d'entre nous aurait pu être une plante se dorant au soleil, un poisson rouge faisant des bulles dans son bocal ou un fou du roi. Ses bras ses mains ses jambes bougent avec une savante élégance pour illustrer ses propos. Elle débite avec le ton juste de longues phrases pour nous enchanter: ce texte est un florilège de jeux de mots, dispersés ça et là, à chaque phrase. Les toucher mentalement du doigt orne les visages de sourires dans la pénombre théâtrale.

Diafoirus


Le fou du roi nous met dans la peau du malade analphabète manipulable, le médecin est ici le méchant. Une personne innocente consulte le généraliste pour une insomnie; sommée de respirer pour qu'il l'ausculte elle s'enquiert du stéthoscope, au grand désarroi du médecin devant tant d'ignorance et d'audace. Le médecin affiche sa supériorité en montant sur un escabeau et fait de grands gestes, elle incarne les deux protagonistes brillamment. Il décrète que les soucis du malade viennent de sa respiration, il l'expédie comme une lettre à la poste à un O.R.L.

Elle se retrouve sur une table chirurgicale pour opérer une maladie imaginaire. Trop tard pour faire machine arrière ou se lamenter, la malheureuse a signé dans son désarroi une décharge contre tout désastre.


"Autrefois, pour un oui pour un non, on endormait d'un bout à l'autre, maintenant on a compris, on fait des économies, on endort un tout petit morceau à la fois".

Marie est le médecin, l'anesthésiste, les infirmières et le patient, elle disparait derrière le rideau de velour, elle n'est plus qu'une ombre dans la lumière projetée, ses jambes et ses bras gesticulent une valse inaudible. Les spectateurs s'esclaffent d'un pur bonheur partagé.


Eden


Mais trève de médecin et de maladie, qu'en est-il d'Adam et Eve?

Adam tout seul au paradoxe languit avec toute la souffrance de l'attente, un autre être avec qui échanger. Eve décide de l'honorer de sa présence et ils deviennent deux. Eve représentée par une branche d'arbre rencontre le serpent, elle le flatte et lui vole ses lunettes, elle les offre à Adam qui ne rêve que d'explorer le lointain. I est ravi mais se lasse vite pour explorer un lointain plus palpable, à l'extérieur des remparts du paradoxe. Le serpent bienveillant fait contre mauvaise fortune bon coeur et prévient l'obstiné des malheurs qui l'attendent en quittant l'Eden. L'entêté s'en préoccupe comme d'une coquille vide. Eve et lui quittent le paradoxe pour toujours, découvrent la copulation dans le froid de l'automne et dispersent leur progéniture dans la chaleur de l'été.

Ainsi nait l'humanité.

Suivent quelques tirades sur la paix.

Un jeu de scène époustouflant, produit du couple Bruzat Thomas, leur créativité absolue et le génie de Sol sont en parfaite harmonie, la pièce est appelée à un succès foudroyant.

Le plaisir de découvrir le lumineux Bruzat et la géniale Thomas nous donne envie de revoir "Pôvre vieille démocrasseuse" une deuxième fois, et même une troisième.

Le spectacle a du encore faire du chemin depuis, allez-y!


Commentaire Lila Régnier

Photographies Jean Barak







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