"Dancing Dance for Me" et "Dis Cover" au Pavillon Noir Ballet Preljocaj
En résidence d'une semaine au Pavillon Noir, invitée du Ballet Preljocaj, la Sud Coréenne Sun-A Lee a créé deux pièces: un solo et un trio. On la connaissait en Provence pour avoir participé à la création de Josette Baïz, "Welcome": elle avait transmis un fragment de l'une de ses pièces -Waves- à la Compagnie Grenade et gardé des liens d'affection avec la chorégraphe ses danseuses et ses danseurs.
"Waves" dans "Welcome" de Josette Baïz avec Sinath Ouk
Professeur de Yoga en France et en Corée, danseuse, chorégraphe, actrice, son style est minimaliste à l'extrême, autant qu'extrême oriental. On ne s'étonnera donc pas qu'il soit intimiste, tourné vers l'intérieur, le caché. Comment montrer l'invisible? Comment concilier la pudeur et l'exhibition sur une scène?
"Dancing Danse for Me"
"Dancing Dance for Me" est une mise en abyme, entre l'actrice -projetée sur l'écran de fond de scène dans un court-métrage où elle joue le rôle d'une danseuse- et la danseuse réelle qui surligne en mouvement minimalistes ses états d'âme remémorés et présents, réanimés par la projection. Son ancien amant lui demande de danser une dernière fois pour lui, elle le fait, pour lui et pour le public, vivante devant vous et virtuelle en effigie.
"Dis Cover"
"Dis Cover" est l'association de trois soli, deux femmes et un homme sont enfermés dans leur solitude. L'un après l'autre ils sortent de leur prostration, leur danse est souffrance et convulsion, solitude et douleur d'être. Ils sont lestés d'un bloc d'argile amorphe auquel ils vont tenter de donner forme. Il la pétrit, la masse, la disloque, la sculpte, lutte contre la matière. L'une en fait une trace en étoile, dans toutes les directions, l'autre l'incorpore et la rejette comme on met au monde un étranger qui vous habite.
Peu à peu ils se rapprochent, s'affrontent, dansent ensemble serait trop dire, ils interagissent dans une lutte corps à corps dont l'apaisement est celui de l'épuisement. Fugitivement, ils iront à l'amble.
Métaphore de l'insoutenable de la solitude et de l'impossibilité d'être ensemble, c'est une pièce douloureuse et entropique, cathartique pourtant.
Danse en expansion
La danse contemporaine est un univers en constante expansion sans limite aucune. Entre le néoclassique flamboyant et la non danse, il y a une infinité de styles, de genres, d'histoires. Le Ballet Preljocaj nous a fait découvrir Kaori Ito, comme la danse traditionnelle du Japon; Avignon l'autre Chine de Taïwan, traditionnelle et contemporaine; Marseille le Buto contemporain de Carlotta Ikéda, etc. Il y a une spécificité du style extrême oriental, une autre culture et une autre histoire. Celle de la "danse du corps obscur".
La danse de Sun-A Lee n'est pas immédiatement accessible, toute de retenue et d'intériorité, il nous faut adopter le temps de la méditation, aux antipodes d'une histoire d'Orient extrême de bruits de de fureur, si éloignée de la notre et de notre mode de vie agité et trépidant. Mais pour peu qu'on s'y abandonne, c'est une belle découverte.
Une autre danse.
Photos et commentaires Jean Barak
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