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Möbius, XY en apesanteur

Dernière mise à jour : 6 janv.

"Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin"

Ils jouaient à guichet fermé à la Criée, juste avant le Covid. Ils voyagent dans le monde entiers, jusqu'au Japon, mais ils reviennent dans notre Région grâce aux Élancées, manifestation majeures de Scènes et Cinés de l'Ouest de l’Étang de Berre, en direction du jeune public. La vingt-troisième déjà!

Treize jours de cirque et de danse, vingt lieux dont deux chapiteaux, vingt-six spectacles et soixante-deux représentations, avec des artistes émergents et des compagnies de prestige. Une institution!


Virus


Le Covid est encore là mais le public aussi, n'en déplaise aux maîtres zélés des protocoles, de plus en plus obsessionnels, en guerre contre un virus qui s'adapte bien mieux qu'eux, et que nous aux privations de liberté pour notre bien. Les assidus le savent, la culture est aussi essentielle que l'air qu'on respire. Quand on l'a approchée, inhalée, on ne peut plus s'en passer. Ce qui nourrit l'âme n'est pas moins essentiel que ce qui nourrit le corps: c'est comme si Spinoza n'avait jamais existé ou n'était pas accessible aux hauts fonctionnaires: le psychique et le physique, c'est du tout un.


XY


XX XY, Les deux chromosomes de la différence, ceux qui font que l'humanité se perpétue encore à ce jour. Pour la suite on verra. Ils avaient commencé à six il y a plus de quinze ans avec "Laissez Porter" et n'ont cessé de grandir, ils sont maintenant vingt et deux.

Déjà, dans "Il n'est pas encore Minuit" ils avaient intégré la danse avec le Lyndi Hop, avec Rachid Ouramdane la danse contemporaine fusionne avec l'acrobatie. Ou l'inverse.

Abdeliazide et Airelle, les fondateurs du collectif ont trouvé le secret de la jeunesse éternelle: celle de la passion de la scène et de leur discipline, le temps passe sur eux sans les toucher.

Si vous parlez des XY a des circassiens ils lèvent les yeux au ciel, "ce sont les meilleurs au monde" lâchent-ils, regardant l'Olympe. Eux, ça les fait sourire, ils savent le travail inlassable que suppose cette impression de facilité, de grâce et de légèreté. Leurs aériennes tutoient les anges, même les porteurs les rejoignent, avec XY les enclumes volent aussi. Peut-être pas les plus puissants avec leur quintal, mais quand même.

Le paradoxe, c'est qu'ils atteignent la perfection justement en ne la cherchant pas. Leurs ratages mêmes deviennent des éléments de mise en scène, ils ne cessent de rater, encore et encore, mais de mieux en mieux.


Jouer collectif


Ils n'ont ni appareillages ni agrès, Seulement leur corps, leur humanité dans sa chair, leur fragilité et leur force, sans artifices mais en meute. La masse fait corps, le corps fait masse.



Leur écriture est collective, Ils ne cessent d'inventer. Souvent, le collectif, c'est la médiocrité partagée et confortable, l'entre-soi qui n'a plus besoin d'un regard extérieur. Là c'est une saine émulation où chacun apporte sa pierre à l'édifice, ça ne fait pas un tas de cailloux mais une recherche toujours plus exigeante. Ils ont inventé la trajectoire déportée, on n'en repère qu'une seule. Ils ne font toujours pas de colonne à six, leur légende les dépasse, quatre ce n'est déjà pas rien, mais ils réinventent le principe à chaque fois.

Comme on marche sur l'eau Airelle traverse la scène sur les mains des porteurs, en apesanteur.


Technique


Dans "Il n'est pas encore minuit" la technique était éblouissante, les filles canons fusaient dans toute les directions dans un jaillissement incessant, un feu d'artifice, là on ne la voit plus du tout. Tout est devenu fluide, évident, facile, dans le vécu intense de l'instant, avec la vigilance de tous pour protéger et soutenir chacun. Ce n'est ni simple ni facile, ça commence par un pugilat généralisé, il ne vaut mieux pas s'en mêler, ce n'est pas du semblant. Peu à peu chacun trouve sa place, ils courent comme des dératés autour d'une scène agrandie pour eux de quatre bons mètres, ils y sont encore à l'étroit. Ils font vivre au présent leur utopie: "seul on va plus vite, ensemble on va plus loin".

Au delà du spectacle, c'est une leçon de vie.



XY c'est un public fasciné qui applaudit tout du long à contretemps et les salue debout, dans un grand chahut de piétinement et de cris libératoires. Moebius vous emporte dans ses circonvolutions pulsatiles, dans un mouvement perpétuel qui ne vous lâche pas une seconde. Malgré les extrasystoles assurées, on ne déplore à ce jour aucun arrêt cardiaque, les défibrillateurs sont restés à leur place. Donner du bonheur, n'est-ce pas l'essence même de l'art?

Du pur génie.




Photos et commentaires Jean Barak

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