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"A Bords Perdus"

Dernière mise à jour : 9 mars 2021


Inspiré d'"Espèce d'Espace" de Georges Perec, Barbara Amar crée "A bords Perdus" au Théâtre de l'Olivier d'Istres.


Nihil novi sub sole


La pandémie est une bénédiction pour les plus riches d'entre nous, ou plutôt d'entre eux: ceux là pratiquent l'entre soi exclusif. C'est une calamité pour ceux d'entre nous qui "s'en sortaient" vaille que vaille, et un désastre pour ceux qui ne s'en sortaient déjà plus avant. Les artistes et saltimbanques sont de ceux-ci et de ceux-là, leur survie même devient problématique. Rien de nouveau sous le soleil. Emblématique et sans vergogne, malgré ses gros profits, le laboratoire français Sanofi licencie 400 personnes dans le département de la recherche, en pleine pandémie. Pour les naïfs irréductibles, le message est clair: hors du profit, point de salut.


Au Théâtre de l'Olivier à Istres, soutenue par "Scènes et Cinés" du Territoire de l'Ouest Etang de Berre, après des Elancées maintenues sans public ouvertes aux seuls professionnels, Barbara Amar a présenté au sortir d'une résidence une création de la "Compagnie Précipité".

Les "culturo-gauchistes" préparent l'avenir, ce sont de dangereux rêveurs. On sait comment ça se passe: on rêve, et puis on pense, s'ensuit l'esprit critique, Voltaire, Rousseau, et l'esprit des lumières. Alerte rouge.


Georges Perec


Juif Polonais comme son nom ne l'indique pas, né à Paris en 1936, il a tiré sa révérence en 1982, foudroyé par l'herbe à Nicot: Nicotiana Tabacum. Avant cela il a toujours eu de la peine à vivre: orphelin de père à quatre ans à peine, tué à la guerre en quarante, et de mère à sept ans, déportée à Auschwitz. Morte en 43, mais elle avait déjà disparu pour lui en 1941: elle l'avait mis à l'abri loin d'elle. Il en restera marqué au fer rouge: "Rien ne sert de rien, cependant tout arrive" écrit-il. Archiviste pour sa subsistance, l'écriture sera son unique moyen d'existence: écrire pour exister, malgré l'insupportable de l'absence. Son style sera dominé par des contraintes qu'il s'impose, et par l'absence d'illusion salvatrice que la réalité lui a imposée au seuil de sa vie. Il sera le scribe d'une errance immobile dans Paris, entre ses rues, ses carrefours, et dans son immeuble, récompensé du prix Renaudot.


"L'espace de notre vie n'est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble?"

"Espèce d'Espace"



Danser


Barbara Amar s'est formée à la danse à Montpellier. En 1997 elle intègre la Cellule d'Insertion Coline, à Istres. Danseuse pour de nombreuses compagnies en France, en Belgique et au Portugal, chorégraphe, elle collabore dans le même temps à plusieurs autres, dont celle de Jean-Claude Gallotta, connu dans notre région comme le loup blanc. En s'attaquant à Georges Perec elle met la barre très haut: comment habiter le monde, les lieux, la nature, soi-même et les autres?


"Les côtes hérissées de fer barbelés, la terre pelée, inhabitable, la mer dépotoir, les villes nauséabondes, les milliers de cagibis, l'esbrouffe chiche des sièges sociaux ..."


Le décor est bâti de cartons mouvants, murs et édifices au gré des constructions et déconstructions incessantes des danseurs. La danse est toujours solitaire, résolument "Dubocienne", on en retrouve la fluidité et l'aridité. Minimaliste comme les "Gens qui dansent" de Jean-Claude Gallotta. Parfois seuls, parfois ils vont à l'amble, jamais ils ne se rencontrent, ni ne se confrontent, ni ne se supportent ou se portent.

"Vivre c'est passer d'un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner". Un mouvement perpétuel d'électrons libres mais errants, une danse hiératique, entropique, une danse de la survie. En attendant tôt ou tard le retour du public.


Avec Anthony Barreri, Eve Bouchelot, Elodie Cottet, Elsa Dumontel, Yann Prevot, Hugues Rondepierre


"Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus."

Pina Bauch


Photos et commentaires Jean Barak

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