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Photo du rédacteurbarakjean

Chorégraphie au féminin pour le Ballet National de Marseille

Dernière mise à jour : 17 avr. 2021


C'est au Théâtre de la Criée que le Ballet National de Marseille dirigé par le trio La(Horde) a produit sa création 2021, un ballet au féminin, par quatre figures éclectiques de la danse contemporaine.


"Tempo Vicino" Lucinda Childs B.N.M. 2011


La vieille Dame de Marseille

La vénérable institution du B.N.M. a connu nombre de vicissitudes. Sans remonter au naufrage de Roland Petit sur une barge du Vieux-Port, en passant sur la répudiation de Marie-Claude Piétragalla qui n'avait pourtant pas démérité dans sa mission impossible, après le temps apaisé par le débonnaire Frédéric Flamand que tout le monde aimait sauf les décideurs, le tandem Gréco Schölten n'avait pas été reconduit. Rayonnante, Madame l'élue à la culture claironnait partout à qui voulait l'entendre: "Nous allons donner un grand coup de pied à la vieille institution". Elle ne parlait ni d'elle ni de l'équipe du réputé indéboulonnable Maire Eternel, mais la gauche à Marseille a démontré que, quand l'intelligence lui revient, elle peut faire des miracles.

Epiphanie en Provence.



Avant toute sélection, loin de toute considération artistique, la mission à peine cachée de la nouvelle équipe était de réduire la voilure, le Ballet coûtant un "pognon de dingue". Virer les danseurs chevronnés en C.D.I. pour sélectionner des jeunes en C.D.D., réduire l'équipe administrative. On a choisi les moins-disants, la mission a été accomplie avec succès, Marseille vaut bien une messe.

Aux vues du déficit abyssal de la Ville, la nouvelle équipe municipale ne pourra pas faire de miracle.

Restait la question artistique, somme toute assez accessoire.

Donner sa chance à une équipe juvénile qui n'a encore rien produit, ce n'est pas absurde, juste un peu risqué. Recruter de très jeunes danseurs fougueux, c'est un pari sur l'avenir, ils ont montré brillamment leur excellence à la Criée.

Tânia Carvalho B.N.M. 2021


(La)Horde


Soyons justes, prendre de plein fouet une pandémie mondiale au début de son mandat est un désastre dont tous et chacun se seraient bien passés. Les deux premières créations de la nouvelle équipe n'avaient convaincu personne. Celle juste avant l'épidémie, au Châtelet -"Chambre avec vue" in french- n'étant pas actuellement visible dans le Sud, si ce n'est sur internet, autrement dit le pire, nous attendrons de la voir bientôt vivre devant un public vivant pour nous faire une religion. Ce sera au Festival de Marseille en 2021, si COVID et Macron le veulent bien. Parions sur l'avenir du Ballet et de sa Direction, le B.N.M. a encore les reins solides, la jeunesse comme l'inexpérience sont des handicaps qui s'estompent -en principe- avec le temps.

Quoiqu'il en soit, ce quadriptyque sans nom avec Childs Carvalho Ninja Doherty est le premier acte régional significatif de leur prise de pouvoir au Ballet.


Lucinda Childs B.N.M. 2021


Puzzle


L'assemblage hétéroclite de pièces disparates issues de chorégraphes qui ne se seraient sans cela jamais rencontrées peut produire des effets surprenants, des accidents heureux. Josette Baïz a ouvert la voie, elle a obtenu un succès fracassant avec les sept femmes chorégraphes cultes ou émergentes de "Welcome" en 2014, avant la guerre, mais on ne sait plus trop laquelle.



Tânia Carvalho


L'américaine Lucinda Childs née en 1940 est une référence quasi mythique de la danse contemporaine. La portugaise Tânia Carvalho née en 1976 est musicienne, dessinatrice, danseuse et chorégraphe, son univers baroque est fortement influencé par le cinéma. Lasseindra Ninja née en 1985 est une danseuse soliste queer française, à la réputation limitée à un cercle d'initiés. Oona Doherty l'irlandaise, née en 1986, est une artiste émergente à l'ascension fulgurante. Quarante six ans les séparent, trois générations aux parcours et aux univers totalement différents. L'interprétation sans faille des danseuses et danseurs du Ballet en assurent l'unité, voire la continuité comme dans ce fondu enchaîné entre Ninja et Doherty. Cela donne pour l'ensemble une agréable sensation de cadavre exquis comme les surréalistes adoraient en produire.


Ninja


Quatre femmes


L'art a-t-il un sexe?

On a beau dire, quelques transfuges mis à part, il faut être gravement myope pour ne pas voir la différence entre des petits rats de l'opéra, qui seraient plutôt des souris, et un bon gros gaspard avec du poil aux pattes. Morphologiquement, ne fait pas le grand écart qui veut. Ce serait plutôt dans la tête, et dans la division des rôles et du pouvoir. Certes, il y aurait eu les Amazones et Antinéa, mais allez chasser le mammouth à l'épieu avec un enfant au sein et un autre en route. Ca remonte très loin, peut-être sommes-nous seulement aujourd'hui à l'aube d'une société égalitaire entre les sexes. Pour la première fois depuis que Sapiens a remplacé Erectus. Est-ce pour cela que les genres semblent subitement se multiplier jusqu'à devoir écrire un catalogue?

Romain Gary militait pour l'égalité entre hommes et femmes, "Je suis pour à fond, mais il ne faut pas rêver, il faudra encore très longtemps, elles nous sont tellement supérieures!"

Il n'empêche, à part les danseuses sacrées ou profanes, les femmes artistes émergent depuis très peu de temps.


Tânia Carvalho


On se réjouira donc de cette émergence foisonnante de talent nouveaux ou cachés, dans tous les arts. Pour les femmes politiques, depuis Thatcher, le doute est permis. Quoique, en danse, il y a eu Loïe Fuller, Isadora Duncan, Martha Graham, Pina Bausch, Carolyn Carlson, Trisha Brown, Lucinda Childs, etc., la liste est longue, une bonne cinquantaine sur la première marche du podium.

Faut-il aller chercher la spécificité de l'art au féminin dans un "être au monde" différent? Comme si le domaine de la beauté et de la grâce leur revenait de plein droit quand les hommes courent après le pouvoir et la gloire? Ce terrain est décidément miné, Il y a déjà là de quoi se faire lapider par les féministes intégristes. Le débat est ouvert.


Ninja


Une légende vivante Américaine dialogue avec une Portugaise visionnaire, une icône queer transgenre et une jeune Irlandaise résolument bad boy, et par la magie de la danse vous entrez avec plaisir dans cette accumulation improbable, en voyageant d'un temps à l'autre et d'un style à l'autre sans qu'il n'y paraisse.

Une belle réussite.





Photos et commentaires Jean Barak


La(Horde), Direction du B.N.M. Marine Brutti, Jonhatan Debrouwer, Arthur Harel




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