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Jeff Koons au MUCEM

Dernière mise à jour : 20 mai 2021


Enfin, ce mercredi 19 mai si tout va bien, les musées rouvriront. En même temps que les clubs échangistes, mais comme le mantra officiel l'impose, "dans le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale". On ne rit pas, nous sommes bien administrés par des protocolisateurs zélés, conseillés par les meilleurs experts. La pandémie a fait le bonheur de la névrose obsessionnelle des serviteurs de nos gouvernants dans une dictature sanitaire à visage humain, pour notre bien. Le Docteur Folamour est de retour.


American lover, Me, I and Myself, with My wife. (Jeff Koons,Bourgeois Bust, Jeff and Ilona, 1991)


Marseille


Marseille est un territoire de petits musées précieux, et d'un grand prestigieux. Le MUCEM, donc, recèle déjà en ses murs l'exposition la plus chère du monde de l'art contemporain, celle de Jeff Koons. Sur 1200m2, des pièces de la collection Pinault.



Baudruches (Jeff Koons, Balloon Dog, 1994-2000)


Ne vous y trompez pas: si l'envie vous prend, malgré la forêt de caméras, de donner un coup d'épingle à ses baudruches, vous en serez pour vos frais. Elles sont coulées dans le bronze, pèsent des tonnes, certaines ont du être montées par les escaliers, les ascenseurs ne pouvant ni contenir leur volume ni supporter leur poids. Les ateliers de Jeff Koons emploient plus de cent personnes qui le vénèrent, elles apportent sans aucun doute possible une technicité et une excellence d'artisans absolument exceptionnelle. Le vernis imite à la perfection la brillance du plastique fluo. Le personnel du MUCEM qui l'a assisté pour cette installation longue et difficile a admiré son professionnalisme sa simplicité et son naturel. Ils ont été sous le charme de l'homme. Pour autant, si cette œuvre pèse des milliards sur le marché de l'art, elle pose radicalement la question de la frontière entre l'art et la supercherie, ce que les adolescents appellent "foutage de gueule".


Picassiette (Jeff Koons, Gazing Ball "Picasso Couple" 2014-2015)


Marchands d'art.


Picasso à Paris mourait de faim et de froid, il n'a jamais été reçu comme l'un des siens par l'Etat Français. Il l'eut aimé en secret. Van Gogh a survécu grâce à l'affection et à la charité de son frère comme celle d'un marchand d'art qui avait reconnu son génie, puis, interné, par celle du médecin chef de la clinique. Certains génies ont été reconnus de leur vivant, d'autres à titre posthume. Peu furent les oubliés de la postérité, aucun sans doute. Nous n'égrènerons pas la litanie des galères de la vie de bohème et ses misères noires, mais elles suffiraient à justifier qu'il y eut des mécènes, des collectionneurs et des marchands d'art, amoureux des artistes et fondateurs des trésors de nos musées. Les artistes ont besoin de vivre de leur art, comme n'importe qui. Depuis toujours. Il faut qu'ils vendent et qu'on leur achète.


Jeff Koons


Les temps ont changé, l'art est devenu une marchandise déconnectée de sa charge émotionnelle, artistique, esthétique et sociologique. Dans ce monde capitaliste triomphant seul compte le prix d'achat d'une "œuvre", en regard du prix espéré de la revente. Les collectionneurs et les mécènes existent encore, à la marge, mais aujourd'hui un "grand" artiste se pèse en millions de dollars. L'art est un produit, l'artiste un agent de l'enrichissement exponentiel des plus riches.

Dès lors que l'art n'existe plus qu'en tant que marchandise, dominé par des maquignons, il n'existe plus. Quoique, comme le désir, il réapparait toujours ailleurs.


Eléphantasme (Jeff Koons, Eléphants, 2001)


Les collages font exception, quoi qu'ils nous renvoient il y a cent dix ans à ceux des surréalistes auxquels les plus grands ont sacrifié, de Jacques Prévert à Pablo Picasso en passant par Georges Braque. On y découvrira un éléphantasme éroticogynoïde, ou gynoïdopachidermique, une Sexyéléphantwoman blonde platine avec des rivières de diamants comme sous-vêtement pour ne cacher rien. Ou pour cacher le rien, une sorte de protestation virile contre le complexe de castration. Assez réussi au demeurant.


Jeff Koons

Le syndrome de la pissotière


Ses pairs disaient de Marcel Duchamp qu'il était un peintre fort médiocre, humilié il a renversé la table. Ou plutôt l'urinoir, et il l'a signé. Qu'il fut refusé par les musées a glorifié et immortalisé son génie et son martyre, il est devenu l'emblème du monde nouveau mécompris, contre le vieux monde sclérosé. A tort ou à raison, on le considère comme le père fondateur de l'art contemporain qui n'avait pourtant pas attendu après lui. Ce n'est plus l'œuvre qui compte, c'est l'acte, l'intention, le concept, et le spectateur.


Jeff Koons, Backyard, 2002)


Ali Boron, le fameux peintre du "Coucher de soleil sur l'Adriatique" a enflammé les critiques extasiés, le ridicule ne les a pas tués et on les a oubliés, mais pas l'âne à la queue duquel on attacha le pinceau. L'œuvre est créée par celui qui la regarde et par la queue d'un âne, nous avons appris à nos dépends depuis 2020 que l'art sans son public n'existe pas.

Depuis Duchamp, l'art contemporain souffre du "syndrome de la pissotière". Mais comme l'urinoir à l'envers c'est déjà fait, chacun cherche son urinoir métaphorique à renverser. Ce n'est pas simple, Dali a réalisé une frise de lavabos autour de son musée de Figueras, mais à l'intérieur, il y a une multitude de chefs-d' œuvres. L'art contemporain se démocratise, à l'Ecole d'Art d'Aix en Provence des kilomètres de papier hygiénique entourant les arbres savamment éclairés de nuit deviennent une merveille éphémère. On s'extasie, le vulgaire devient sublime, on s'en souvient encore avec émotion.


Jeff Koons, Titi, 2004-2009


On atteint l'impensable avec l'achat d'œuvres virtuelles, Karl Marx il y a 140 ans voyait venir un monde ou l'argent produirait de l'argent, sans passer par la production de richesses, totalement dématérialisé. C'est fait. L'objet prétexte n'est plus nécessaire: bien que richissime, Jeff Koons et déjà un has been.

Il suffit de prendre un air inspiré, de tenir un discours abscons pseudo lacanoïde, ne pas être compris est l'essence même de l'artiste maudit, un objet quelconque devient par son insignifiance la quintessence de sa pensée, et bien entendu il faut trouver celui qui voit en vous l'opportunité de gagner beaucoup d'argent. Plus aucune compétence n'est requise.

Alors tu seras un artiste mon fils.


Jeff Koons


Marcel Duchamp a fait des émules, le plus génial fut Piero Manzoni, qui avait parié qu'il pourrait vendre sa propre merde au prix de l'or. il y a réussi. Dans 90 boites de conserves numérotées étiquetées "merde d'artiste" il a enfermé ses productions intimes.

La difficulté est venue avec le temps, les boites se dégradant ont dégagé une odeur pestilentielle, un concile laïque a du se réunir pour statuer de l'odeur de l'œuvre. Était-elle corrompue? La conclusion des sages fut que l'odeur procédait de l'œuvre puisque toutes les boites fuyaient, elle n'en dégradait pas la valeur, au contraire, pour la première fois l'argent avait une odeur. l'une d'elles a été exposée dans un caisson de verre étanche en son musée Danois.

Le plug anal vert et gonflable de Paul Mc.Carty sur la place Vendôme rebaptisé "Arbre de Noël" n'était pas inintéressant non plus, bien que cela ne justifiât en rien l'agression physique de son auteur. Un coup d'épingle, ça se discute, à condition qu'il fut exécuté dans les règles de l'art. Un happening eut changé le point focal. "Libé" assure que ce sont les coincés de l'endroit cible, ceux de la manif pour tous, qui l'ont vandalisée.


Art Contemporain


De là à conclure que l'art contemporain c'est de la merde d'artiste, procédant du stade anal ou sadique-anal, c'est un pas que nous nous garderons bien de franchir. Laissons à la postérité le soin de choisir ses chefs d'œuvres.

Pour autant, fallait-il recevoir Jeff Koons au MUCEM?



A l'évidence oui, il est de bonne politique de marcher dans la mode du bon pied. L'équipe du musée a fait un travail remarquable de mise en perspective des pièces du Maître avec de modestes objets du quotidien qui retiendront toute votre attention, vous ne les auriez sans doute pas même regardés sans cela. Et quand l'artiste le plus cher du monde vient à Marseille, ça mérite le détour.

Si vous êtes désargentés après cette pandémie délétère, ou si vous ne voulez pas enrichir les plus riches, rappelez-vous que le premier dimanche de chaque mois, l'entrée du musée est gratuite.

C'est, avec ce site exceptionnel, une très belle sortie en perspective, ne vous en privez pas.

Jauge oblige, réservez!


Jeff Koons, Bluebird Planter, 2010-2016


Photos et commentaires Jean Barak




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