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Photo du rédacteurbarakjean

La Pastorale de Thierry Malandain

Du néoclassique flamboyant au théâtre de la colonne de Miramas

Un créateur prolixe


Une nouvelle pièce de Thierry Malandain, Directeur et chorégraphe du Ballet de Biarritz depuis 1998, c'est toujours un évènement. Pourtant on en compte quatre-vingt-sept environ en trente-cinq ans, soit bien plus que deux par an.

Il tient une place à part dans la danse d'aujourd'hui, incontournable, c'est la chaînon manquant entre la danse classique et la danse contemporaine. Son Ballet de Biarritz est une troupe permanente prestigieuse quand nombre de troupes plus modestes recrutent des danseurs intermittents pour chaque création.

Il crée ses propres chorégraphies et reprend des pièces classiques « dépoussiérées » selon l'expression consacrée, entendez par là qu'il y apporte sa marque, son style propre. Il est le représentant incontestable et incontesté du courant néoclassique, ce qu'il assume totalement : « Héréditairement néoclassique, je suis tout simplement en recherche d'une danse que j'aime. Une danse qui ne laisserait pas seulement la trace du plaisir mais qui renouerait avec l'essence du sacré comme une réponse à la difficulté d'être. »



Contraintes


Le décor d'ouverture est un grill qui bride la danse et les danseurs, les enferment à mi-corps dans des cages d'acier, dans la pénombre, mais ils tentent de déjouer la contrainte en l'utilisant. C'est le concept de Frédéric Flamand, créer des contraintes pour voir comment la danse va en contourner les pièges. On attend avec inquiétude qu'elle disparaisse et qu'enfin apparaisse le plateau nu, éclatant de blancheur dans une lumière crue, passant des ténèbres romantiques à la blancheur des paysages grecs.




Audaces


Pour autant, il ne s'interdit pas les audaces. Si ses chorégraphies sont composées comme des symphonies, soumises à des règles très strictes, sa gestuelle très pure n'évite pas le baroque en se déstructurant, voire et même la parodie avec ses danseurs accablés par le fatum. Leurs mains trainant à terre, ils exhibent leur désespoir en déambulant lentement, atterrés, devant les danseurs et les danseuses aériens.

A l'inverse, allé jusqu'au bout de l'abstraction avec des pièces purement conceptuelles et des bandes-son électronique à vous rendre sourd profond, Angelin Preljocaj le rejoint dans ses reprises des grands classiques, faisant le chemin à rebours. Mais ils ont l'un comme l'autre remisés les pointes, appareils de torture pour les danseuses, qui leur faisaient des jambes interminables et des cors aux pieds.



La Pastorale


"Souvenirs de la vie rustique, plutôt émotion exprimée que peinture descriptive"

"Pas un homme ne peut aimer la campagne autant que moi" L.V. Beethoven

Même si vous n'écoutez jamais de musique classique, que vous ne l'aimez pas ou ne la connaissez pas, vous n'avez pas pu échapper aux symphonies de Ludwig Van Beethoven, fut-ce uniquement cette sixième dont l'Ode à la Joie est devenu l'hymne de l'Europe.

Pas la joie des peuples, celle des très riches évadés fiscaux, mais cette remarque est hors sujet.

Ici la Sixième Symphonie est additionnée de la Cantate opus 112, avec des extraits des Ruines d’Athènes au baryton abyssal, image du désespoir insondable mais contrechamp permettant une évocation de la Grèce antique, tant par la gestuelle aérienne que les costumes. Vingt et deux danseurs beaux comme des Dieux et des Déesses Grecques en perpétuel mouvement, duo trios quatuors quintettes ou brillants solistes dans un corps de ballet organique qui fait masse, meute, ou déferlement de vague océane, cette Pastorale entremêle la joie de vivre, de danser et de créer, et la douleur d'être vivant, et par ce fait voué au désespoir au deuil et à la mort. Vivons heureux en attendant la mort, elle peut attendre.

Demeure un hymne vibrant à une beauté hellénique flamboyante fantasmée, mise en musique et en scène.




Résurrection


Couvert de récompenses et de titres, Officier des Arts et des Lettres, Thierry Malandain est honoré aux côtés de Carolyn Carlson, Angelin Preljocaj et Blanca Li, Académiciens des Beaux-Arts.

Son travail et son écriture restituent la gloire passée de la danse classique, qui fut -rappelons le- à son apparition d'une extraordinaire contemporanéité, tombée dans l'oubli naphtaliné des placards de l'histoire. Il lui redonne tout son éclat, c'est un témoin nécessaire et brillantissime dans un monde qui a changé, comme la danse. Pour autant ce n'est pas une pièce de musée, autant on s'ennuie ferme aux reconstitutions à l'identique de l'Opéra classique, autant l'inventivité, la fougue, la beauté l'excellence et le plaisir sont là. Ça ne peut pas faire de mal en ces temps de fin du monde, de guerre à nos portes, de famines annoncées, de douleurs et d'inquiétudes.

Un grand bol d'air à savourer sans retenue, le public leur fait une ovation debout.



Photos et Commentaires Jean Barak


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