C’est au lieu consacré à la danse par Michel Kelemenis que Mathilde Monfreux a présenté « Last Lost Lust », création initiant le Printemps de la Danse du Ballet National de Marseille, en l'an 7 avant la COVID. Accompagnée de sa complice plasticienne Elizabeth Saint-Jalmes et de Fanny Soriano, circassienne, créatrice et performeuse, d’un créateur lumière et d’un ingénieur du son, ils créent un univers étrange et inquiétant.
Contemporain
Il est de bon ton d’affirmer d’un ton péremptoire: « C’est l’intention artistique qui compte, l’œuvre en découle », ou à la suite de Marcel Duchamp: « L’œuvre est dans l’acte créatif de celui qui regarde », ce qui fait que tout est art, et que l’art est partout. Donc souvent nulle part, et le contemporain devient comptant pour rien. Ou content pour rien, c'est comme on veut. Dans ces cas-là, les ados lâchent, laconiques: « Foutage de gueule ». De même, le métissage est devenu un dogme : pour être, il faut aller voir ailleurs si on y est, sinon, déjà, on a été.
Métissage
En associant la performance, la danse, les arts du cirque, les arts plastiques, la musique contemporaine, un costume de lumière et de surcroit le nu, Mathilde Monfreux s’engageait dans une zone à haut risque, celui du bric-à -brac. Elle n’est pas tombée dans le piège.
Magique
D’emblée, la magie opère. Un objet protéiforme occupe l’espace, un boyau bientôt agité de spasmes, il met bas un être nu comme un ver, mais déjà insecte parfait nettement gynoïde, qui disparait. Puis les objets épars se rassemblent, s’élèvent vers le ciel de la scène, la danseuse est attirée irrésistiblement vers cette monstrueuse génitrice de chiffon, tourne autour, se bat avec elle, retourne en son sein. La chose l’avale, redevient matrice, viscères, utérus, nacelle ou cascade de chiffon, toile de circassienne. Le clair obscur d’une lumière rare sculpte le corps athlétique de la belle artiste, danseuse et acrobate qui souffre et se débat, toute de force et de fragilité, sans artifices.
On entre peu à peu dans cet univers de cauchemar ouaté, où le trouble de la nudité interpelle nos mensonges d’animaux dénaturés, n’ayant de cesse que de découvrir la toison d’or qu’on nous cache. Dévoilé, le mystère tombe et la danse peut se déployer pour elle même.
Un très beau spectacle, émouvant et troublant, comme l'immatérielle matérialisation d’un fantasme.
C’était une générale, il y avait encore quelques retouches nécessaires pour que les manipulations de l’objet ne viennent plus interrompre la rêverie.
A voir, et à revoir, comme un cauchemar dont vous aimeriez être le héros.
Photos et commentaires Jean Barak
Comments