Comme tous les artistes qui font notre vie culturelle et -ce que nous ne réalisions pas nécessairement- affective, Tchoune ne peux plus se produire en concert. Comme tous les artistes qui n'ont pas le statut d'intermittent du spectacle il survit du minimum social en attendant la libération culturelle. Pour autant il n'est pas découragé, il n'a de cesse que de travailler, créer et répéter. A ce jour, les lieux de culte présumés "essentiels" ne proposent toujours pas de manifestations "non essentielles", le culte mais pas la culture, fut-elle celle des chants sacrés.
Entretien avec Jean Fernandez dit " Tchoune ", fondateur du groupe "Tchanelas"
Tchoune, d'où viens-tu?
Je suis né à Aix, l'avant dernier d'une famille de 5 enfants, j'ai trois frères et une sœur. Mes parents sont des gitans espagnols qui ont fui le franquisme. Les allemands persécutaient les juifs, les espagnols persécutaient les gitans. Ma mère est de Barcelone et mon père de Séville.
Tchoune et "La" Négrita
Comment as-tu appris la musique?
J'ai toujours eu une guitare dans les mains. A douze ans je faisais la manche sur le Cours Mirabeau avec mes cousins, puis à Cassis en été, sur le port. Ca rapportait bien. On jouait aussi dans les maisons de la culture et dans les grands restaurants.
Et l'école?
J'y allais une semaine sur trois.
A 16 ans j'ai fait toute la saison aux Saintes-Maries-de-la-Mer toujours avec mes cousins, nous avons été repérés par des programmeurs étrangers, nous avons joué en Allemagne, en Suisse et en Italie. En été nous allions à Saint-Tropez. Puis j’ai formé un autre groupe original, avec plusieurs chanteuses guitaristes, la "Négrita", Consuelo, Luisa, la "Gorda", Paquita, Sonia, Isabel, le groupe est devenu un groupe de filles, " Tchanelas ".
A la fin j'étais le seul garçon avec huit filles, j'étais le plus heureux. Ça a duré de 2003 à 2007.
Nous avons fait un disque avec la Warner, " Les fils du vent ". Il est épuisé maintenant.
Tchoune et "La" Florencia
Pourquoi pas les filles du vent?
Parce que j'y étais.
Après, elles ont fondé une famille, elles ont arrêté. Certaines ont continué, les chanteuses qui ont eu une carrière, la Négrita et la Luisa, qui est en Espagne. On ne peut pas s'occuper de ses enfants et travailler, c'est pour ça que je n'ai pas d'enfant. Quand on est en tournée et que l’enfant d'un musicien est malade, on voit que c'est une souffrance insupportable, ça nous a traumatisés, aucun des musiciens du groupe n'a d'enfant. Si mon enfant est malade je plaque tout pour aller m'en occuper. C'est pour ça que je n'en veux pas. Les femmes qui ont continué à vivre de leur art ont renoncé à fonder une famille. Une femme ne peut pas travailler et bien s'occuper de son mari.
Sylvie Paz et Tchoune
Pourquoi ne referais tu pas un groupe avec des filles?
Elles sont très rares, il n'y en a plus. Mais je n'ai pas fait un groupe de filles, j'ai fait un groupe de musiciens. C'est parce qu'elles étaient de bonnes musiciennes, pas parce que c'était des filles, ça s'est fait comme ça, petit à petit. Et elles ne restent pas, c'est normal. Chez nous les femmes ne travaillent pas, nous nous contentons de peu, nous avons peu de besoins.
Manuel Gomez et Tchoune
Aujourd'hui, le groupe Tchanelas c'est qui?
Manuel Gomez à la guitare flamenca, Kadu Gomez Santiago au cajon, en fonction du spectacle nous invitons d'autres musiciens et des danseuses.
Tu chantes un flamenco traditionnel, mais pas seulement.
Nous sommes tous des Roms, nous venons du même arbre mais nous ne sommes pas tous sur la même branche. Dans la cadre d'Aix en Musiques j'ai organisé en 2009 un concert avec des tziganes, et un Tour en Pays d'Aix avec Christina Rosmini en 2010. Le concert allait de Manuel de Falla et Federico Garcia Lorca jusqu'au Flamenco traditionnel, en passant par le jazz manouche et le chant tzigane. Je Joue dans « Flamencopéra » avec Sylvie Paz dans le cadre de Saison 13, avec cathy Heiting ou Alain Aubin, j'ai joué la première partie de Manitas de Plata. J’ai également intégré le groupe Rassegna ce qui signifie rassemblement, nous interprétons des chants méditerranéens.
Quels sont tes projets?
Je prépare un disque sur les chants sacrés gitans en Provence. Ca a été le « coup de cœur » de « Babel med 2011 », ils nous ont dit que c'était le projet le plus original.
Les gitans vivent entre eux, en communauté, penses-tu qu'ils sont intégrés?
Mon père et mes frères travaillent à la mairie, je suis le seul musicien. Ni mes parents ni moi-même n'avons jamais vécu en caravane.
Ceux qui vivent dans des camps ou en caravane sont une petite minorité. Oui, les gitans sont bien intégrés.
Que reste-t-il de la culture gitane?
La famille. L'état d'esprit. Le respect.
Merci Tchoune.
Photos et commentaires Jean Barak
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